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Michel de Pracontal

Journaliste scientifique, j'ai travaillé à Science et Vie, à L'Evénement du Jeudi, et au Nouvel Observateur (de 1990 à 2009). Je suis aussi auteur de plusieurs livres dont le dernier, Kaluchua, vient de paraître au Seuil. Sur twitter: @MicheldePrac.

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Billet de blog 15 février 2014

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Samedi-sciences (120): exploiter l'énergie des volcans

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Illustration 1
Le cratère Viti près du champ géothermique de Krafla © IDDP

Percer un trou dans un volcan pour récupérer l’énergie des fluides chauffés par le magma : un projet aussi allumé ne pouvait surgir qu’en Islande, ce grain de la folie de la nature. L’idée de départ, aussi simple qu’audacieuse, est d’effectuer un forage profond dans un complexe volcanique pour accéder aux fluides en état « supercritique ». Autrement dit, à de l’eau chauffée par le magma et soumise à des conditions extrêmes de température et de pression. Cette eau supercritique, qui se forme au-dessus de 374°C et de 221 bars, a un comportement particulier. Elle est beaucoup moins visqueuse et contient beaucoup plus d’énergie que l’eau chaude utilisée dans la géothermie classique : les modèles montrent qu’un puits à eau supercritique pourrait, à débit équivalent, produire dix fois plus d’énergie qu’un puits géothermique conventionnel.

Cette énergie tirée du magma, les Islandais ne se sont pas contentés d’en rêver, ils ont commencé à l’exploiter, en forant un premier puits, appelé IDDP-1, dans le volcan Krafla, l’un des nombreux complexes volcaniques de l’île, au nord-est de l’Islande. Un bilan de cette première tentative est détaillé dans quinze articles du numéro de janvier de la revue Geothermics, et une explication résumée vient d’être publiée dans la revue Science.

En 2000, les Islandais ont créé un consortium, l’IDDP  (Iceland Deep Drilling Project), réunissant l’agence gouvernementale de l’énergie à trois sociétés privées, et consacré au projet de forer dans le magma. En-dehors de l’Islande, dont la configuration exceptionnelle (voir notre article ici http://www.mediapart.fr/journal/international/230511/lislande-un-grain-de-folie-de-la-nature ) se prête à une telle entreprise, le seul endroit où a été lancée une tentative similaire est Hawaii.

Après une phase de recherche de plusieurs années, le consortium IDDP a démarré un premier projet de forage dans la péninsule de Reykjanes, où se trouve un important champ géothermique. La société Hitaveita Sudurnesja, qui exploite la centrale géothermique de Reykjanes, a mis à la disposition du consortium un puits de 3,1 km de profondeur. Le projet était de forer dans ce puits jusqu’à 4 ou 5 km pour atteindre les fluides supercritiques. Malheureusement, le puits s’est effondré en 2005 et a dû être abandonné.

Une nouvelle tentative a été lancée en 2009. Cette fois, il s’agissait de forer à 4,5 km dans la caldeira du volcan Krafla (une caldeira est une dépression en forme de chaudron géant qui se trouve au cœur de certains volcans). Mais avant d’atteindre la profondeur prévue, le forage est tombé sur une poche de magma à 2,1 kilomètres. La roche à 900°C a détruit les équipements, mais cet échec a été transformé en une réussite au moins partielle. L’équipe d’IDDP a en effet réussi à terminer le forage en modifiant le projet initial. Le puits a été cimenté et adapté pour produire de l’énergie à partir de la vapeur à 500°C jaillissant de la zone de contact avec le magma. Il a ainsi pu fonctionner jusqu’à juillet 2012, en battant le record de température pour une instalation géothermique. D’après les mesures effectuées en sortie, le puits a généré jusqu’à 36 mégawatts d’électricité. De plus, les chercheurs ont pu effectuer toute une série de mesures et confirmer la faisabilité de la géothermie à grande profondeur.

Tous les problèmes ne sont pas réglés cependant : l’exploitation du puits IDD P-1 a dû être interrompue au bout de deux ans du fait de défaillances mécaniques. Les chercheurs tentent actuellement de développer des équipements capables de résister aux conditions extrêmes de ce type de forage.

Mais l’équipe d’IDDP voit le futur avec optimisme. Elle pense pouvoir remettre en service le puits IDDP-1, et un deuxième forage doit être entrepris dans les prochaines années à Reykjanes. « Il y a un énorme potentiel d’énergie, supérieur de plusieurs ordres de grandeur à celui de la géothermie classique », estime Wilfrid Elders, scientifique californien qui participe au projet. Pour l’équipe d’IDDP, produire de l’électricité à partir du magma est l’un des moyens de développer une énergie durable dans le futur.

Vous avez apprécié ce billet ? retrouvez mes articles dans la partie journal de Mediapart ici. Samedi-sciences s'interrompt pour cause de vacances scolaires, prochain rendez-vous le 8 mars.