
Les élections européennes, qui se dérouleront en France le 25 mai, ont ceci de particulier que le système électoral n'est pas le même dans les vingt-huit pays de l'Union. Quelle est l'influence du système électoral sur les choix des électeurs ? Comment la manière dont on compte les voix affecte-t-elle la décision finale ? Un système est-il meilleur qu’un autre ? Pour tenter de répondre à ces questions, un groupe international de scientifiques animé par Jean-François Laslier, directeur de recherche au CNRS et membre de l'UMR Paris-Jourdan Sciences économiques, a créé le site Eurovote+.
En quoi diffèrent les procédures du vote européen ? Si la représentation est de type proportionnel dans tous les pays, la manière dont sont formées les listes, ainsi que le nombre de circonscriptions varient. Alors qu'il y a huit circonscriptions en France, il n'y en a qu'une seule en Espagne, avec 54 noms par liste. En France, les électeurs votent pour une liste « fermée », attachée à un parti, mais ils n'ont pas à se prononcer sur l'ordre des candidats à l'intérieur de la liste, qui est fixé par le parti ; dans d'autres pays, les électeurs peuvent marquer leur soutien à un candidat particulier, ou au contraire rayer son nom de la liste, et le classement final des candidats d'une liste dépend de l'ensemble des votes ; au Luxembourg, les électeurs ne sont pas obligés de choisir la liste d'un parti et peuvent panacher en votant pour des candidats de listes différentes.

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Eurovote+ est à la fois un site d'information sur les élections européennes et un bureau de vote virtuel. Le visiteur y découvrira des explications détaillées sur les procédures de scrutin selon les pays. Il pourra aussi tester les différents systèmes en participant à des votes en ligne qui lui permettront d'expérimenter et de comparer trois systèmes : celui des listes fermées à la française, celui des listes ouvertes pratiqué en Lettonie et celui du panachage appliqué au Luxembourg (la visite complète dure entre 10 et 20 minutes). Les réponses seront analysées par l'équipe scientifique afin de mieux comprendre les effets des différents modes de scrutin sur la politique.
« Nous avons voulu attirer l'attention sur deux points principaux, explique Jean-François Laslier. D'abord, le fait que dans la plupart des pays, les élections ne se font pas, comme en France, sur des listes bloquées, dans lesquels l'ordre des candidats est décidé par les chefs de partis. Les listes bloquées donnent peu d'influence aux électeurs pour choisir les élus, qui dont l'identité est déterminée en grande partie par l'ordre de la liste. Nous avons donc montré des systèmes dans lesquels l'électeur a davantage son mot à dire sur chaque candidat. Le deuxième point concerne l'idée qu'on pourrait élire une partie des députés européens sur une base transnationale, dans une circonscription unique pan-européenne et avec les partis européens. Nous proposons un vote de ce type. »
Dans ce dernier vote, l'électeur est donc invité à choisir une liste représentant un parti européen et formée de candidats des différents pays de l'Union. Comme il ne peut y avoir un nombre égal de candidats pour tous les pays, et que certains pays peuvent être absents de la liste d'un pays donné, ce système place les électeurs devant un dilemme, comme l'explique Jean-François Laslier : « Choisiront-ils plutôt les listes comportant plus de candidats de leur nationalité, ou les listes correspondant à leurs préférences politiques ? Par exemple, si vous êtes socialiste et finlandais, et qu'il n'y a pas de candidats finlandais dans la liste socialiste européenne, allez-vous voter pour une autre liste où les Finlandais sont mieux représentés ? Nous allons étudier cette question qui nous paraît importante. »
En 2012, le même groupe de scientifiques à étudié l'élection présidentielle (voir le site http://voteaupluriel.org). L'expérience a montré que si la France utilisait un système de vote « par approbation » (dans lequel chaque électeur indique pour chacun des candidats s’il l’approuve ou non), François Bayrou serait arrivé deuxième de l'élection, juste derrière François Hollande (voir nos articles ici et là). L'expérience en cours sur les élections européennes de 2014, à laquelle on peut encore participer jusqu'à l'élection réelle, devrait apporter de nouveaux éclairages sur le fonctionnement du vote et les éventuelles réformes qui pourraient l'améliorer.