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Une équipe internationale d’astrophysiciens a découvert une exoplanète de la taille de la Terre, en orbite autour d’Alpha Centauri B, une étoile éloignée d’environ 4,4 années-lumière. A l’échelle des distances cosmiques, c’est quasiment la porte à côté : si E.T. habitait là et voulait téléphoner à la maison, son appel mettrait moins de quatre ans et cinq mois à parvenir à destination…
Sauf que la maison d’E.T. ne se trouve probablement pas là : la planète identifiée par Xavier Dumusque (Observatoire de Genève) et ses collègues suisses, portugais et français ne fournit pas un environnement propice à l’épanouissement de la vie. L’intérêt de cette découverte publiée le 18 octobre dans la revue britannique Nature tient à ce qu’il est exceptionnel de découvrir une exoplanète d’une masse équivalente à celle de la Terre. Pour autant, ce n’est pas une jumelle de notre planète, loin de là.
La nouvelle exoplanète est beaucoup plus proche de son étoile que la Terre ne l’est du Soleil : la distance qui la sépare d’Alpha Centauri B est égale à 4% de la distance Terre-Soleil, et à environ un dixième de la distance entre Mercure et l’astre du jour. Cela signifie que l’on a affaire à une masse rocheuse aride et brûlante plutôt qu’à un havre de vie extraterrestre.
Le « gros lot » serait de découvrir une exoplanète de cette taille, mais située dans la « zone habitable » de son système, autrement dit dans la région où la température permettrait la présence d’eau liquide, ingrédient de base de la vie telle que nous la connaissons. La nouvelle venue est trop proche de son étoile, dont elle fait le tour en 3 jours et un peu moins de 5 heures.
Mais la trouvaille n’en est pas moins prometteuse. Cela faisait un moment que les scientifiques espéraient découvrir une exoplanète dans le système Alpha du Centaure, le système stellaire le plus proche du nôtre. Ce système est formé de trois étoiles : Alpha Centauri A et B, en orbite l’une autour de l’autre, et une troisième, Proxima Centauri, moins lumineuse.
Alpha Centauri B est très comparable au Soleil, mais légèrement plus petite et moins brillante. L’ensemble du système est visible à l’œil nu et apparaît comme le point le plus brillant de la Constellation du Centaure (mais pas dans la plus grande partie de l’hémisphère nord ; pour le contempler, il faut aller dans l’hémisphère sud).
Les exoplanètes ne peuvent pas être observées directement : la séparation angulaire entre la planète et son étoile, vue depuis un observatoire terrestre, est minuscule ; de plus, le contraste lumineux est trop faible. Par conséquent, il est nécessaire de recourir à une méthode indirecte. Celle à laquelle Xavier Dumusque et ses collègues ont recouru est la plus anciennement utilisée, et celle qui a permis jusqu’ici le plus grand nombre de trouvailles.
Il s’agit de la méthode par mesure des vitesses radiales. Schématiquement, son principe consiste à mesurer la petite variation du mouvement de l’étoile qui résulte de l’attraction gravitationnelle de la planète (pour une explication plus complète, voir ici). En l’occurrence, l’étoile Alpha Centauri B subit à chaque révolution une petite secousse qui fait varier sa vitesse de 0,51 m/s.
L’exploit a consisté à détecter un effet aussi faible. Pour y parvenir, l’équipe d’astrophysiciens a mesuré la vitesse du système stellaire trois fois par nuit, quasiment chaque nuit, pendant trois ans. Ce résultat illustre les progrès de la méthode de mesure des vitesses radiales : la première planète détectée par le même procédé provoquait un signal 100 fois plus fort que la planète d’Alpha Centauri B.
Il s’agissait de 51 Pegasi b, la première exoplanète orbitant autour d’une étoile analogue au Soleil jamais identifiée, découverte en 1995. La variation de vitesse radiale qui a permis de la détecter était de 50 mètres par seconde, à comparer au 50 centimètres par seconde d’Alpha Centauri B. C’est donc grâce à un bond considérable de la sensibilité de la méthode que les astrophysiciens ont pu repérer le nouvel objet.
Pour découvrir une véritable jumelle de la Terre, orbitant autour d’une étoile semblable au Soleil à une distance permettant la présence d’eau liquide, il faudra encore progresser d’un facteur au moins égal à 5 et détecter une variation de vitesse de l’ordre de 0,09 m/s, ou 9 centimètres par seconde.
Les astrophysiciens misent aussi sur un autre procédé : il consiste à déceler la très légère baisse de luminosité qui se produit au moment où la planète passe devant l’étoile, et la masque en partie à l’observateur terrestre. Il s’agit, en somme, d’une petite éclipse.
L’effet ainsi produit est très faible mais détectable par un télescope spatial. Le dépouillement des données de la sonde Kepler de la Nasa, lancée en 2009, a ainsi révélé quelque 3000 exoplanètes possibles. Mais pas une seule de ces 3000 candidates n’est située dans la zone habitable tout en ayant la taille de notre planète. Au total, il se pourrait que seulement 10 à 15% des étoiles de l’univers aient des planètes de la masse de la Terre.
Mais même si elle risque d’être longue, la quête d’une jumelle de la Terre motive plus que jamais les astrophysiciens.