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Michel de Pracontal

Journaliste scientifique, j'ai travaillé à Science et Vie, à L'Evénement du Jeudi, et au Nouvel Observateur (de 1990 à 2009). Je suis aussi auteur de plusieurs livres dont le dernier, Kaluchua, vient de paraître au Seuil. Sur twitter: @MicheldePrac.

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Billet de blog 22 mars 2014

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Samedi-sciences (123): le nez humain distingue plus de mille milliards d'odeurs

Selon une étude américaine, le nez humain serait capable de distinguer au moins mille milliards d’odeurs différentes ! Ce nombre impressionnant ridiculise l’estimation classique, selon laquelle notre système olfactif discriminerait à peine dix mille odeurs.

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Journaliste scientifique, j'ai travaillé à Science et Vie, à L'Evénement du Jeudi, et au Nouvel Observateur (de 1990 à 2009). Je suis aussi auteur de plusieurs livres dont le dernier, Kaluchua, vient de paraître au Seuil. Sur twitter: @MicheldePrac.

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Selon une étude américaine, le nez humain serait capable de distinguer au moins mille milliards d’odeurs différentes ! Ce nombre impressionnant ridiculise l’estimation classique, selon laquelle notre système olfactif discriminerait à peine dix mille odeurs. Et il montre que notre odorat, souvent dévalorisé, notamment quand on le compare à celui du chien, n’est pas si atrophié qu’on le croit. « Notre sens de l’odorat a plus de sensibilité que nous ne lui en attribuons, dit Andreas Keller, chercheur à l’université Rockefeller (New York), qui a dirigé l’étude, dans un communiqué. Mais nous n’y faisons pas attention et ne nous en servons pas dans la vie quotidienne. »

Illustration 1
Expérience de discrimination des odeurs © Zach Veilleux / The Rockefeller University

De nombreux spécialistes pensaient que l’estimation de dix mille odeurs, qui ne reposait sur aucune donnée expérimentale, était trop basse, compte tenu du nombre colossale de molécules odorantes qui existent dans la nature. Par exemple, l’odeur d’une rose est produite par un mélange de 275 composés différents – même si seulement une minorité de ces composants est effectivement perçue.

Aux odeurs naturelles s’ajoutent les dizaines de milliers de molécules aromatiques de synthèse créées, notamment, par l’industrie des parfums. Ou encore les nombreux composés aromatiques du vin, dont on n’a identifié qu’une partie. Autre indice : l’appareil olfactif humain comporte 300 types de récepteurs différents, alors que notre œil est capable de distinguer des millions de couleurs avec seulement trois types de récepteurs différents.

Andreas Keller et ses collègues ont cherché à évaluer de manière expérimentale le pouvoir de résolution du nez humain. Le problème est plus complexe que pour l’audition ou la vision des couleurs, pour lesquels on peut se baser sur des variables physiques mesurables telles que la longueur d’onde lumineuse ou la fréquence sonore.

Pour l’odorat, Keller est parti du principe que les stimuli olfactifs courants sont des mélanges de molécules odorantes qui se distinguent par leur composition. Les chercheurs ont sélectionné un ensemble de 128 molécules odorantes qui avaient été étudiées précédemment. Un certain nombre d’odeurs familières, comme celle de l’orange ou de l’anis, sont produites par certaines de ces 128 molécules. Mais les chercheurs ont créé délibérément des odeurs inhabituelles, en formant des combinaisons de 10, 20 ou 30 molécules en proportions variables.

Ils ont ensuite testé un groupe de 26 volontaires en leur faisant humer différentes combinaisons. Bien sûr, il n’aurait pas été possible de faire sentir mille milliards de combinaisons différentes à chaque sujet. En pratique, Keller et son équipe ont testé un échantillon représentatif d’odeurs.

Les chercheurs ont cherché à déterminer à quel degré deux combinaisons de molécules doivent être différentes pour que les volontaires puissent les distinguer. Les volontaires ont été soumis à une série de tests. Pour chaque test, le sujet s’est vu présenter trois flacons, dont deux contenaient une mixture identique et le troisième un mélange différent. Chaque participant a dû humer en tout environ cinq cents combinaisons différentes de molécules et au total, quelques milliers d’odeurs différentes ont été testées.

Après avoir analysé les réponses, les chercheurs ont constaté que les volontaires réussissaient à distinguer des combinaisons de molécules identiques à 51%. Autrement dit, il suffisait que deux combinaisons diffèrent de 49% pour être perçues comme deux odeux distinctes. En extrapolant ce résultat au total des combinaisons possibles à partir des 128 molécules utilisées dans l’expérience, on peut calculer qu’en moyenne, les sujets peuvent distinguer plus de mille milliards d’odeurs différentes.

« Le pouvoir de résolution de notre système olfactif n’est pas extraordinaire, puisqu’il  faut changer une proportion importante des composants pour que la moitié des sujets soit capable de détecter la différence, relativise Marcelo Magnasco, l’un des auteurs de l’étude. Mais comme le nombre de combinaisons possibles est littéralement astronomique, même en tenant compte de cette limitation, le nombre total des combinaisons d’odeurs est très grand. » Pour Keller, le nombre de mille milliards est une estimation minimum, du fait qu’il existe beaucoup plus que 128 molécules odorantes. L’univers sous-estimé de l’odorat est bien plus vaste et plus riche que l’idée courante qu’on s’en fait.