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La sonde Voyager 1, lancée par la Nasa le 5 septembre 1977, serait sortie du système solaire le 27 juillet 2012, d’après Marc Swisdak, astrophysicien à l’université du Maryland. Selon Swisdak et son équipe, Voyager 1 a enregistré depuis un peu plus d’un an une chute du vent solaire et une augmentation des rayons cosmiques, signe qu’elle a quitté la zone d’influence du soleil. La sonde de la Nasa serait donc devenue le premier objet fabriqué par l’homme à avoir franchi les limites du système solaire.
Une affirmation similaire a été lancée en mars dernier par l’astronome Bill Webber, de l’université d’État du Nouveau-Mexique (voir notre article ici). Mais la Nasa a contesté la conclusion de Webber. Edward Stone, chef du projet Voyager depuis 36 ans, affirmait en mars que la sonde n’avait « pas encore atteint l’espace interstellaire » (voir une présentation de Stone dans la revue Nature ici).
Cette fois, la Nasa se montre plus nuancée. « Voyager 1 explore une région qu’aucun engin spatial n’a jamais visitée avant, dit Stone, interrogé dans Japan Times. Nous allons examiner attentivement tous les changements qui apparaîtront pendant les mois et années à venir, à mesure que Voyager avance dans cette zone inconnue. »
Le fond de la discussion est de savoir quel critère définit la limite du système solaire. Schématiquement, Webber et Swisdak associent la zone d’influence du soleil, l’héliosphère, à la présence du vent solaire (le flux de particules éjectés par la haute atmosphère de l’astre). L’héliosphère est une énorme bulle allongée qui s’étend autour du soleil et des planètes, et qui est dominée par le vent solaire. Au-delà de l’héliosphère commence le milieu interstellaire, où il n’y a plus de vent solaire mais qui est parcourue par les rayons cosmiques.
Comme les instruments de Voyager ont enregistré à la fois un arrêt du vent solaire et une augmentation des rayons cosmiques, Swisdak estime que la sonde est sortie de l’héliosphère. Pour la Nasa, le critère décisif est l’orientation des lignes du champ magnétique : en quittant le système solaire, la sonde doit sortir du champ magnétique du soleil pour se trouver dans celui qui émane des longs bras de la galaxie, ce qui se traduit par un renversement des lignes de champ. Comme le changement de direction des lignes de champ ne s’est pas encore produit, Ed Stone et la Nasa estiment que Voyager 1 est encore dans l’héliosphère, mais dans sa partie extérieure, l’héliogaine. Cette dernière forme une sorte de zone tampon entre la banlieue du soleil et le milieu interstellaire, lequel ralenti et comprime le vent solaire.
L’argument de Swisdak et de son équipe consiste pour l’essentiel à dire qu’il n’y a pas de changement brutal de la direction des lignes de champ au moment de la sortie de l’héliosphère (leur étude est publiée dans Astrophysical Journal letters et on en trouve une présentation dans Nature). Certes, à l’intérieur de l’héliosphère, la direction des lignes de champ est très différente de ce qu’elle est dans l’espace interstellaire. Mais la question est de savoir ce qui se passe dans la zone où les deux champs se rencontrent.
Selon Swisdak, dans cette zone intermédiaire, il se produit une « reconnexion magnétique », ce qui signifie en gros que les lignes de champ de chacun des deux domaines se cassent de manière à pouvoir se raccorder à celle de l’autre domaine. De ce fait, il se peut que Voyager 1 soit sortie de l’héliosphère sans que l’on constate une forte modification de la direction du champ : celle-ci apparaîtra progressivement, à mesure que la sonde s’éloignera de la zone frontière.
La Nasa a mis en ligne une déclaration dans laquelle Edward Stone n’exclut pas formellement le modèle de Swisdak, sans non plus y souscrire. Cette réponse de Normand vise peut-être à permettre à la Nasa d’avoir le dernier mot. Pendant ce temps, Voyager 1 poursuit son périple, et continue vaillamment de transmettre ses informations, près de 36 ans après son lancement.