Du panache pour l'Europe
De très très riches américains, tels Bill Gates, Warren Buffet et des héritiers Rockefeller, demandent à payer plus d'impôts pour soutenir l'économie des USA. Même s'ils sont fiers de leur pays, ils ne se posent pas ici, en premier lieu, comme philanthropes, mais comme des gestionnaires très avisés. Ils savent qu'une économie peu dynamique touche directement leurs affaires. Cet exemple d'Outre-Atlantique peut-il inspirer l'Europe ? Justement, on déplore souvent que l'Union européenne suscite peu d'enthousiasme : elle manque à la fois de considération et d'argent. Et cela ne s'arrange pas. En effet, le traitement de la crise a contribué à accentuer l'image d'une Europe lointaine, surtout défendue par une élite, peu impliquée financièrement mais, par contre, prompte à promouvoir la rigueur budgétaire et salariale. L'Europe a également révélé son impuissance financière pour soutenir l'économie avec un budget qui représente, en moyenne, seulement 2% de la totalité des dépenses obligatoires effectuées au niveau des États membres. L'Europe déçoit, l'Europe n'a pas d'argent. Certes, mais l'Europe pourrait encore étonner.
La préparation du prochain cadre financier 2014-2020 de l'Union offre ici une belle ouverture.
les 27 vont devoir décider de la structure et du montant de leur budget commun pour une période de 7 ans. Jusqu'ici, la question de l'impôt européen est restée tabou. Les États contribuent au budget de l'Union, mais nous ne payons pas directement une taxe pour l'Europe. Changer cela semble illusoire, d'abord parce que la mise en place d'une taxation européenne exige l'unanimité, ensuite car l'Européen moyen considère déjà payer trop d'impôt. Néanmoins, imaginons que les Européens les plus riches (par exemple les 5% qui ont les plus hauts revenus, ou bien ceux qui gagnent plus de 300 000 euros par an) croient en l'Europe, espace de libre entreprise, de démocratie et d'avenir. Imaginons, en conséquence, qu'ils souhaitent soutenir concrètement cette construction européenne en acceptant de payer, un peu, pour l'Union. Ce choix conduirait à une augmention du budget européen et au renforcement de l'image de l'Europe. Le surplus budgétaire pourrait, par exemple, servir à financer une recherche européenne dans un domaine touchant l'ensemble de la population, comme la santé. L'Europe apparaîtrait porteuse d'espoir et de fierté. Les plus aisés ne seraient pas de simples philanthropes, ils profiteraient ainsi d'une société plus apaisée et d'une économie, en définitive, plus robuste. Et, au final, l'Europe serait plus forte et plus lisible.
Dans ces temps de crise économique qui frappe d'abord les plus faibles un impôt européen paraît, a priori, difficile à mettre en place rapidement. Même une faible taxe carbone semble à beaucoup irréaliste. Soit. Alors pourquoi pas un élan de solidarité, mais aussi de rationalité, venant des plus riches, un peu comme aux États-Unis ? Un tel message d'optimisme envers l'Europe allierait panache et bon sens.
Est-il fou, par exemple, de proposer que 1% des revenus au-dessus de 300 000 euros aillent à l'Europe ? A quand le slogan « Contribuer pour l'Europe parce qu'elle le vaut bien» ?
Ce texte est l'éditorial du n°23 (Hiver 2010) du Bulletin de l'Observatoire des politiques économiques en Europe (Opee) publié dans le cadre de l'Université de Strasbourg.
Responsable éditorial et contributeur régulier à ce Bulletin je vous invite à le consulter.
http://opee.unistra.fr
Michel Dévoluy