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Billet de blog 14 octobre 2008

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Suicides dans la police à Tours: aller plus loin

Suite à une série de suicides au commissariat de Tours, puis au suicide d'un jeune policier début 2008 au même commissariat, une mission d'écoute a été mise en place fin janvier 2008 par l'IGPN en relation avec la préfecture de Tours. Elle rendait son rapport début février 2008.

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Suite à une série de suicides au commissariat de Tours, puis au suicide d'un jeune policier début 2008 au même commissariat, une mission d'écoute a été mise en place fin janvier 2008 par l'IGPN en relation avec la préfecture de Tours. Elle rendait son rapport début février 2008.

Cette mission a été ponctuelle et a publié son rapport (1).

L'analyse des faits survenus dans cette ville sur une plus longue période de temps permet de se poser d'autres questions que celles soulevées par cette mission. Elle permet de comprendre certains doutes soulevés par les syndicats sur les résultats de l'enquête et de s'interroger sur le mode de fonctionnement des policiers et des magistrats dans ce genre d'affaires.

RAPPEL DES FAITS

C'est le suicide au commissariat d'un jeune sous-brigadier, le 13 janvier dernier, qui déclancahit une mission d"écoute les 22, 23 et 24 janvier 2008 (1). Le haut fonctionnaire de l'IGPN qui condusait l'écoute remettait son rapport le 08 février 2008 dans lequel il " exonère la hiérarchie du comissariat de toute faute " (1).

Selon les i,nformations disponibles ce jeune sous-brigadier est arrivé à Tours en septembre 2005 (2). Il était préoccupé par un problème professionnele qui n'a pas été "identifié" (1). Sa compagne étant elle-même policière (2) il est plus que probable qu'elle aura été entendue par la mission d'écoute. Aucune information venant d'elle n'a été rendu disponbile, ce qui se comprend.

La mission d'écoute note toutefois qu'il "existe des difficultés relationnelles au sein du personnel " (1).

QUE S'EST IL PASSE EN 4 ANS AU COMMISSARIAT DE TOURS ?

En 4 ans 5 événements associés à 11 policiers du comissariat de Tours peuvent être "officiellement" recensés (auxquels il faut ajouter deux témoins assistés).

Depuis 4 ans le commissariat de Tours voit les "événemnts" s'accumuler.

Le 08 juilet 2005 le Tribunal Correctionnel de Tours condamne deux fonctionnaires de police et leur supérieue hièrarchique pour agressions sexuelles sur une de leur jeune collègue (3). Les faits remontaient à 2003. La presse locale parlait "d'anciens fonctionnaires" car ils avaient été radiés entre la date des faits et celle du jugement. Mais qu'on le veuille ou non les trois comparses étaient policiers au moment des faits.

Entre 2007 et début 2008 trois suicides on,t été observés concernant des policiers du même commissariat (4,5). Les deux derniers se sont déroulés l'un en décembre 2007 et l'autre en janvier 2008 (6). Selon les informations disponibles ils concernaient tous du personnel travaillant au commissariat depuis au moins 3 ans.

le 21 juin 2008 la presse locale annonçait que "Trois policiers (étaient) mis en examen pour des violences" (7). Les faits remontaient au 11 septembre 2005. Deux autres fonctionnaires étaient également impliqués dans le dossier et ont été entendu par le juge "en qualité de témoins assistés" (8).

Le 04 février 2008 une plaignante déposait plainte contre un capitaine de police du même commissariat pour " faux témoignage, dénonciation calomnieuse, abus d'autorité et de fonction et abus d'une qualité vraie" en relation avec l'affaire du Juge Terive. A ce jour la plaignante est sans nouvelle de cette plainte qui est toujours entre les mains du Procureur Adjoint Cruz.

Le 13 mai 2008 un plaignant déposait une plainte contre un autre capitaine du même commissariat pour " Dénonciation calomnieuse " (9). Le 20 juin, soit 27 jours calendaires plus tard, le Procureur Varin classait la plainte sans suite. Ce délai lui aura été suffisant pour mener à bien l'instruction de cette plainte ainsi que l'enquête interne aux services de police, le plaignant ayant par ailleurs informé directement le Directeur Général de la Police Nationale.

Pour situer le calendrier des événements par rapport à la mission d'enquête il est important de préciser que la Direction de le Sécurité Publique du Commissariat de Tours à changé mi-2006. Le commissaire Emig remplaçait le Commissaire Paysant parti à la retraite. Il en fut de même en ce qui concerne le Procureur Général puisque le Procureur Varin remplaçait le Procureur Caillau fin 2006.

En quelque sorte les nouveaux venus héritaient des dossiers de leurs prédécesseurs, mais le principal des rouages restait en place.

ANALYSE

Les magistrats agissent rapidement lorsque les événements sont "visibles" de la population. Ils classent les affaires et incitent à de longues procédures judiciaires lorsque les faits concernent de policiers. Cette façon de faire protège les policiers malveillants.

La transparence sur ce qui se passe au sein d'un comissariat n'est pas le premier "critère de qualité" du système policier. La partie visible des événements connus, par rapport à ceux qui existent, doit être infime.

A partir des faits publics que nous rapportons ci-dessus il convient d'observer que seuls sont connus "spontanément" les événements extrêmes, ceux sur lesquels on ne peut pas communiquer avant que la rumeur publique s'en soit emparée, les suicides. Dans le cas présent c'est l'accumulation de ceux-ci sur une courte période de temps qui a manifestement déclenché la mission d'écoute et la réaction en chaîne des policiers et des magistrats.

Il semble également que certains faits internes qui atteignent l'innomable (le harcélement sexuel) entraînent relativement rapidement des "condamnations" prosessionnelles internes à la police (3). Les trois policiers harceleurs de 2003 ont été radiés avant de passer en jugement en 2005. Il aura fallu attendre presque 3 ans pour que la plaignante elle même policière obtienne la reconnaissance des faits et la condamnation de ses collègues. Ce n'est ainsi qu'en septembre 2008 (15) que les "harceleurs" sont déboutés de leur appel et condamnés à verser 45000 Euros à leur collègue victime de leurs sévices.

Par contre dès que les événements concernent des actions policières civiles, le schéma est tout à fait différent. Comme le montre l'affaire des violences policières sur une personne, en septembre 2005, l'inculpation des policies concernés n'a eu lieu qu'en juin 2008. Le procureur Caillau avait classé très rapidement cette affaire sans suite (7). Dans l'une des deux affaires en cours le Procureur Varin opère de le même façon en classant la plainte sans suite sous 27 jours calendaires (9). Le summum est atteint avec la seconde affaire en cours prise en main propre par le Procureur Adjoint Cruz le 04 février 2008. A ce jour, soit 6 mois plus tard, le plaigant n'a toujours aucune nouvelle de sa plainte . Il peut la faire durer 3 ans comme ce fut le cas dans l'affaire des violences policières.

Dans le cas des violences policières le plaignant n'a pu obtenir la prise en compte de sa plainte qu'en se portant "partie civile" (7). Cette procédure est longue et nécessite la saisie d'un juge d'instruction pour instruire l'affaire. Au total c'est presque 3 ans plus tard que le plaignant voit sa plainte prise en compte, quelques mois avant la prescription des faits, grâce à la tenacité de son avocat et à la détermination d'un juge d'instruction (7). Dans cette situation précise le commissaire Emig explique que " les policiers peuvent donc maintenant se défebdre avec leur avocat " (7). Cet artifice "politicien" protège indument ces fonctionnaires de police et jette le discrédit sur la profession. Il place le plaignant dans une situation ou il doit pouvoir compter sur sa persévérance et ses moyens financiers pour mener une action en justice à son terme. Il ne rend pas service aux nombreux policiers qui font leur travail correctement.

COMMENTAIRES SUR L'AFFAIRE DE TOURS

L"affaire du suicide de Tours montre bien les moyens qui peuvent être mis en oeuvre tant par les policiers que par les magistrats en "situation de crise "(1). La préfecture alerte, l'IGPN se déplace pour comprendre et forunir le soutien nécessaire au personnel en place et bien entendu les magistrats font leur travail (10). Par "situation de crise" il faut entendre "situation pouvant mettre en danger l'institution policière et judiciaire". Car trois suicides en un an cela témoigne d'un "problème" au niveau du commissariat.

Comme tout le mode s'est focalisé sur cette situation de crise, sans pour autant chercher de "bouc émissaire (1), l'accusation du management local était évidente. C'est ainsi que les syndicats s'en sont pris tout naturellement et immédiatement au Commissaire Emig (1) en ométtant de préciser qu'il avait pris ses fonctions mi-2006 seulement. Les accusations " d'erreur de management ", de " dureté dans le management" ont alors étaient avancées par certains syndicats (10). Comme par ailleurs les mêmes syndicats faisaient des amalgames avec le changement de méthodes mis en place par l'ancien ministre de l'intérieur (11) ils y perdaient une grosse partie de leur crédibilité.

A priori, dans toute affaire de ce genre qui reléve du pur management, et tout particulièrement de la direction des hommes, il y a trois grandes raisons à ce genre de réaction:

1. la première est liée à la qualité du manager. Le nouveau "Chef de la Sécurité" n'est pas le premier venu et sa hiérarchie connaît bien ses états de service. C'est à elle de trancher et elle l'a fait rapidment même si c'est "cousu de fil blanc" (1). Les syndicats ont aussi quelques idées sur la personne même si ce n'est pas de façon officielle. A y regarder de prêt leurs commentaires il semble qu'ils n'aient eu aucune information négative sur la nomination de leur nouveau patron. Ils ne se plaignent que du présent.

2. la deuxième raison est liée à tout changement de "manager". Qui dit changement de "manager" dit "changement de méthode". Qui dit changement de méthode dit inévitablement modification des relations; des pouvoirs et des contre-pouvoirs au sein d'une organisation. Le commissaire Paysan avait ceusé son sillon et avait marqué le commissariat de sa personnalité, de ses réseaux, de ses faveurs et de ses relations. Lorsqu'un nouveau patron est chargé de mettre en place sa nouvelle organisation il peut avoir des motivations différentes de celles de son prédécesseur. Les amitiés ne sont plus les mêmes, les influences changent. "Le malaise décrit par les syndicats" (13), " les problèmes internes de commandement " (1) rapportés par la mission d'écoute traduisent bien ce genre de situation, a fortiori avec les syndicats.

3. la troisième raison est en quelque sorte la résultante des deux autres. Dans cette phase au cours de laquelle le nouveau "venu" doit s'imposer et ou la place de chacun va devoir se redéfinir tous les "jeux" sont possibles. Les groupes formels (les syndicats) vont chercher à se positionner pour garder leur influence. Les groupes informels, peu visibles voire occultes vont chercher à jouer un rôle soit directement soit par influence. C'est la période de tous les "combats" et c'est la période ou tout est possible. L'expression des "corporatismes", le rôle des "communautarismes" voire l'infleunce des réseaux qui peuvent ainsi se recouper avec ceux des syndicats. C'est dans ces situations que s'engouffrent les extrémismes de tous genres. Ce genre de situation est tout à fait possible au sein du commissariat de Tours.

C'est dans ces périodes que le même syndicat accusait sa hiérarchie en déclarant " que le management n'est pas remis en cause" (1) puis, lors de l'annonce de l'inculpation des trois policiers pour violence ils reprenaient les déclarations habituelles à savoir "q'une nouvelle fois la parole de policiers qui font leur travail est remise en cause" (7). Ces déclarations sont à rapprocher de celles d'autres syndicats proclamant "qu'un policier est policier 24 heures sur 24 et qu'il ne fallait pas demander de laisser les armes au râtelier". Si l'on ajoute à cela que les syndicats ont obtenu de leur Minsitère de tutelle qu' "aucun policier ne puisse être mis en cause pour des problèmes d'ordre familiaux" on comprend la protection systématique dangereuse dont jouissent certains policiers auprès de leur hiérarchie.

QUELLE EST LA MECANIQUE QUI PERMET AUX MAGISTRATS DE FAIRE TRAINER LES CHOSES ?

Si le souci de protéger les policiers de plaintes abusives est parfaitement justifié le classement systématique des plaintes contre des policiers produit des effets pervers dont certains policiers usent et abusent. S'agit il d'une auto-protection abusive du système judiciaire ?

Dans les trois cas de suicide l'information a été immédiate. Il était quasiment impossible de la filtrer. C'est ainsi que les trois suicides survenus sur une année ont été connus de la presse "sous 24 heures". Pour les policiers comme pour les magistrats il s'agissait d'une "gestion de crise" classique; il fallait faire vite.

Dans tous les autres cas l'affaire a trainé en longueur du fait de la volonté des magistrats. Ils classent systématiquement toutes les affaires dans lesquelles des policiers sont accusés de violences, de faux témoigange etc.. En peu de mots les magistrats volent au secours des policiers ! Les faits, les preuves ne servent à rien. Les magistrats protègent les policiers avec lesquels ils ont des relations quotidiennes. Le Procureur peut être à tout moment le "Chef" des policiers, sur toute affaire pénale. Il est lui même OPJ et à ce titre il a autorité sur tout policier OPJ. Face à cette relation le poids des preuves ne compte pas.

La justice est alors bafouée par les magistrats qui vont recourir systématiquement au classement des plaintes comptant sur l'épuisement du plaignant au risque du "déni de justice".

Réréfences:

1. Suicides dans la police de Tours: la mission d'écoute exonère la hiérarchie, La Nouvelle République du Centre Ouest, 9 février 2008

2. Un policier se tire une balle dans la tête au commissariat de Tours, La Nouvelle République du Centre Ouest, 15 janvier 2008

3. Les policiers harceleurs en prison, La Nouvelle République du Centre Ouest, 08 juillet 2005

4. Tentative de suicide d'un policier, La Nouvelle République du Centre Ouest, 16 janvier 2008

5. Trois décés en un a au commissariat de Tours, La Nouvelle République du Centre Ouest, 14 avril 2008

6. En état de choc le commissariat cherche à comprendre, La Nouvelle République du Centre Ouest, 16 janvier 2008

7. Trois policiers mis en examen pour des violences, La Nouvelle République du Centre Ouest, 21 juin 2008

8. Trois policiers mis en examen pour des violences, Michel Embarek, La Nouvelle République du Centre Ouest, 21 juin 2008

9. Référence ASWIN 08/673 - PhV/DP

10. Tentative de suicide d'u policier: une mission d'écoute, La Nouvelle République du Centre Ouest, 14 avril 2008

11. Le misntère face à la recrudescence des suicides de policiers, La Nouvelle République du Centre Ouest, 14 avril 2008

12. Suicide au commissariat de Tours: un certain malaise ans la police, La Nouvelle République du Centre Ouest, 24 janvier 2008

13. L"affaire du Juge TERIVE, opojus.com

14. Combien de faux témoignages de John les magistrats ont-ils couverts en 4 ans ? (à paraître)

15. Les policiers devront dédomager leur victime, La Nouvelle République du Centre Ouest, 18 septembre 2008

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