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Billet de blog 7 novembre 2017

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De la défensive à l'offensive

Plusieurs personnalités et acteurs de la vie sociale et politique, écrivent et déclarent la nécessité, pour les mouvements sociaux et politiques, de reprendre le chemin de l'initiative. J'avais, en 2015, écrit ce modeste article faisant le parallèle entre l'état de notre société et celui du rugby. Je me permet de reproposer cette modeste contribution

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un match de rugby comme une métaphore de ce qui se joue en france Éditer

Le rugbyman français est passé d’un désir d’offensive à une obligation de défense. Notre pays est engagé depuis plus trente ans sur un toboggan gigantesque, celui-ci conduit, plus ou moins rapidement (en fonction de la pente et de la forme des virages) à la destruction complète de notre organisation sociale et à la possibilité même de vivre en saccageant notre pays et notre planète.

En effet chaque gouvernement (quand ce n’est pas un syndicat) indique que son objectif est de « défendre » notre modèle social, alors qu’en même temps, par les diverses politiques qu’il met en œuvre, c’est lui-même qui « attaque » ce modèle. Dans le même temps, les syndicats, les mouvements sociaux ou environnementaux, les partis tentent de construire des mobilisations pour s’opposer à ces politiques et défendre des acquis arrachés au fil du temps par d’autres luttes.

Le rugby mondial (avec la contribution active du rugby français), s’est résolument tourné vers la professionnalisation et la concurrence commerciale permanente entre les pays, les clubs et les hommes. Cela a entraîné une modification des règles de jeu, sous l’œil des caméras omniprésentes, enserrant et corsetant celui-ci, dans une déclinaison de gestes, positions interdites, alors qu’en même temps des formes de jeu étaient favorisées (comme le »pick and go » par exemple) ou l’exploit individuel vient compenser les manques de l’organisation collective et la solidarité symbolisée par la passe.

Notre vieille France, (au fil des luttes, des reculs, des conquêtes sociales, des libérations culturelles), avait pu maintenir (à la différence de nombreux pays européens) un socle de protection sociale et un esprit de combat. Depuis prés de quarante ans, les renoncements individuels et collectifs, les mensonges des élites et la cécité des citoyens ont fracassés ce socle, engageant la société dans l’affrontement du tous contre tous et le chacun pour soi, sous le prétexte de la liberté.

Notre vieux rugby, inventé par les « Britishs » et encore largement sous leur emprise culturelle et de pouvoir, avait pu et su garder dans le cœur de cet instant magique « du match » un esprit de batailles et gnons, mais aussi de partage de la « béchigue » en ce qu’elle apporte de désir, de plaisir et de « passe-moi-la ». L’omniprésence du fric que propulsent les médias et la télé en particulier, les enjeux financiers qui en découlent et le besoin de promouvoir la force et la puissance pour faire attraction, ont corsetés le jeu dans des codes rigides. Les joueurs, sous cette domination, n’ont pas su ou pas pu se rebeller, ayant par ailleurs des enjeux et des engagements financiers à honorer.

La société et le rugby expriment le même symptôme inspiré de cette formule largement matraquée par les médias, « il n’y a pas d’alternative ». Nous ne pouvons pas faire autrement que de laisser la finance dominer toutes les activités humaines, nous ne pouvons faire autrement que de payer pour tout et pour tous (même pour ceux qui nous empêchent de vivre ou de jouer), nous ne pouvons pas faire autrement que de sauvegarder des emplois, de défendre nos acquis, de défendre, de défendre, de défendre.

Même si nous avons une bonne idée, un bon ballon il faut penser à défendre. Il n’y a donc plus d’initiatives, d’attaques, puisque toutes nos positions de départ sont en défense. Les entraîneurs sont contents les joueurs défendent collectivement pour colmater les brèches, les gouvernements sont contents aussi, les syndicats défendent les maigres miettes de droits que les politiques attaquent en force.

Il faudra donc reprendre l’initiative, celle de la conquête, de l’attaque collective, celle ou l’initiative inspire les autres, que tous sont près à la relayer, retrouver le plaisir de chercher la bonne place, la bonne passe, retrouver le désir de vivre pleinement sa vie et son match. C’est quoi l’attaque alors ? Comment renverser la logique de la défense, de la position défensive ? D’abord surmonter la peur, celle qui consiste à avoir peur de se découvrir, car lorsqu’on prend le risque d’attaquer, il faut se montrer, avec ses ombres et ses lumières. Prendre le parti pris de l’attaque, c’est retrouver l’envie de jouer. Ensuite surmonter l’autre peur, de ne pas réussir, de risquer l’échec, et chercher alors l’allégresse de l’invention, la gourmandise du partage des enjambées, des espaces, des passes. Allez les petits ! Faites la passe ! Fête la passe ! Balle ! Balle ! Boum ! Essai !

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