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Billet de blog 17 juin 2015

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Honte aux racistes de l'AME

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La revue néo-nazie Revision et l'Association contre la mutilation des enfants ont été fondées en 1989 par Alain Guionnet. Dans son article publié en juin de la même année par Revision, son successeur Xavier Valla, ex-président de l'AME, est prolixe sur une photo anti-circoncision publiée sans commentaire par la revue juive Passages[1].

Le titre : "La honte de Judas", induit un moment en erreur. La formule semble traduire l'intention du mensuel juif : condamner la circoncision par l'image en faisant honte à ceux qui continuent à circoncire leurs enfants au grand émoi de leurs femmes. Valla attribue au mohel le nom du traître envers le fils de celle qui a échappé à la lapidation au moyen d'un mensonge historique. Or en entamant sa vie publique en recevant le baptême par l'eau, le fils de Marie s'est dressé contre la circoncision. On pense donc qu'à sa suite, le trésorier de l'A.M.E. à l'époque condamne la domination phallocrate dont sont victimes des mères honteuses du rituel sadique imposé par leurs maris. 

Il n'en est rien ; Valla ne s'insurge pas contre la loi du plus fort qui oblige les mères à trahir leurs nourrissons en un moment de l'existence où ils sont entièrement dépendants d'elles. Il se vautre dans le délire interprétatif de sa petite bande de révisionnistes. Refusant d'admettre que certains juifs combattent la circoncision, il ne salue pas la courageuse initiative de ses alliés objectifs et conclut en les accusant d' "imposture" et "trucage". En interprétant par un absurde : "Il est honteux d'avoir honte de faire couper son enfant.", il inverse le sens de la petite mise en scène pour laquelle maman, grand-mère, mohel et photographe se sont réunis pour crier au spectateur que la circoncision est une honte.

Écrivant dans Revision, Valla (quelques mois avant la loi Gayssot) entonne le leitmotiv négationniste et s'en prend à ce qu'il appelle le "mythe des chambres à gaz". Nous voilà fixés ; sa lutte contre la circoncision n'est qu'un prétexte à assouvir une haine maladive, raciste. Comme Revision dont c'est le but avoué, l'AME a moins pour objectif la lutte contre la circoncision que l'antijuifisme et la réouverture des camps de la mort.

Notre spécialiste de la circoncision trouve ainsi "le plus bizarre", dans la photo, que la mère donne la tétine au bébé, procédé banal dans toutes les circoncisions, rituelles ou non. Il s'étonne qu'une mère juive, à ses yeux nécessairement dénuée de tout sentiment humain, tente d'apaiser son bébé. Valla aurait-il subi claques et fessées alors que leur prohibition ne fait étonnamment pas partie des droits de l'enfant défendus par son association ? La dimension psychologique des châtiments corporels lui échappe autant qu'à Madame Chirac, adepte des "bonnes" claques qui sont l'école de la violence. Faisant perdre à l'adulte sa dignité, ces punitions signent sa défaillance. Incapable de balayer devant sa porte, Valla, jaloux, dénigre ceux qui le font et refuse de voir de la honte dans le fait que la mère se cache le visage ; il se demande s'il s'agirait d' "appréhension" ou d' "effroi".

Sa perle réside dans l'aveu déguisé, machiavélique – à titre d'hypothèse impensable – du véritable but de l'AME : "dérouter les gens désireux de combattre simultanément l'excision des petites filles et des petits garçons." Dérouter vers quoi sinon l'antijuifisme ?

Le caractère paranoïaque de son interprétation éclate dans son propos sur un article du même numéro de janvier 89 de Passages qui aurait interviewé, selon lui, "une obsédée de la circoncision" en réalité victime d'un exhibitionniste non-juif (cf. page 10 de la revue). Comme la malheureuse en éprouve de la répulsion pour les "zizis" intacts, il saute à la conclusion que la revue aurait "eu le mérite d'annoncer la couleur" en prônant la circoncision. Valla voit du noir à la place du vert. Évidemment, quand on voit tout en noir... En fait, il ne supporte pas les juifs anti-circoncision. Logique : plus de circoncision, plus de camps de concentration, Revision tombe à l'eau et Montandon, le trieur de circoncis du régime de Vichy (juifs versus opérés du phimosis), aurait été au chômage. Mais lorsque notre manipulateur nous intente un procès en diffamation lorsque nous affirmons qu'il est d'extrême-droite (il l'a bien évidemment perdu au tribunal correctionnel et en appel puisqu'il fait partie de la liberté d'expression élémentaire de dire ce qu'on pense d'autrui), il y a de l'abus.

Il conclut par une observation paradoxale, caractéristique de la paranoïa à qui tout fait signe, sans place pour la coïncidence. Le reflet de la scène dans le miroir lui fait dire que la mère tient le bras du mohel. Ce serait la clé d'une manipulation photographique. Mais Valla voit du conscient là où ne se révèlent que son propre inconscient et sa propre histoire. En faisant donner un coup de main au mohel à celle qui, de l'autre, exprime ostensiblement son opposition, il se venge probablement, sur les traditionnels boucs émissaires de l'extrême-droite, de ses propres géniteurs. Incapable de comprendre qu'en restant derrière la porte, la grand-mère refuse d'assister à la scène, c'est lui qui mérite le "coupe-coupe d'or" de l'AME. Il a raison sur le fond puisque toute mère qui tolère la circoncision de son fils est une mère collabo. Mais en se contentant de cette remarque sans comprendre que la photo n'est qu'une mise en scène provocatrice, destinée à dénoncer l'hypocrisie des mères et grand-mères qui laissent commettre un crime qu'elles réprouvent au fond d'elles-mêmes, il enfonce les portes ouvertes.

Ce texte illustre bien l' "antisémitisme délirant" de Révision, dénoncé par Erlich (Michel Erlich, Revision et l'AME : "cet antisémitisme délirant", in "Excision, circoncision et racisme"). Il montre aussi la collusion entre les extrême-droites. En effet, par son interprétation insultante envers les juifs anti-circoncision et aussi sûrement que Jo Goldenberg a fait campagne pour Le Pen, Valla s'est rangé aux côtés des circonciseurs.

[1] Passsages. n° 17, mai 1989, Les 89 révolutions juives. p. 19.

ARTICLE LIE : L'association contre la mutilation des enfants, un antijuifisme masqué

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