"La circoncision et l'imposition de l'étui pénien sont en rapport de symétrie inversée."
"… imposer un étui pénien culturel ou retirer un étui pénien naturel répond au même projet : marquer la verge d’un signe culturel, par addition ou par retrait."1
Des marquages ? Certainement pas ! Un marquage ne fait qu'imprimer. Il faut vraiment être privé de l'organe spécifique de l'autosexualité masculine pour appeler étui pénien et circoncision des marquages. Parure amovible, l'étui pénien n'imprime rien et parler de marque pour une coiffe est aberrant ; la kippa ou le voile seraient-ils des marques ? La circoncision n'imprime rien non plus ; elle retranche, de façon irréversible et par une torture atroce. Non seulement Lévi-Strauss amalgame les deux rituels mais encore il les nomme de façon erronée. Bien sûr, ils ont un point commun : imposés par les mâles, les séparant des femelles et affichant l'entrée dans le clan des hommes, ils sont grossièrement sexistes (cf. Miriam Pollack2). Mais l'étui pénien a un caractère plaisant, presque ludique, c'est un ornement, une décoration. La circoncision est une torture mutilatrice dont le but est d’une part amoindrir le plaisir3 pour se prétendre moralement supérieur aux communautés non pratiquantes, d’autre part soumettre la personne humaine par le traumatisme, amnésié, d'une menace d’éviration présentifiée à vie par un commencement de réalisation. La qualification de marque est éthiquement et intellectuellement fausse. De la part d'un scientifique, cette erreur est énorme, inimaginable. Elle est le symptôme du traumatisme inconscient provoqué chez son auteur par sa circoncision.
Son discours est apparemment scientifique :
"… comparer non des rites qui superficiellement se ressemblent, mais qui diffèrent au point qu’à l’époque de Frazer, les ouvrages d’ethnologie les auraient traités séparément : le rite de circoncision à propos des mutilations corporelles, le rite d’imposition de l’étui à propos du costume ou bien des parures et des ornements. Derrière ces différences de surface, seule une critique interne permet d’atteindre un schème invariant. On se demande à quelles conditions plusieurs usages, mythes ou rites, convenablement redéfinis, pourraient être mutuellement convertibles. Et c’est cette invariance découverte à un niveau profond qui autorise et légitime le travail de comparaison.
Chez Frazer (pour l’œuvre monumentale duquel rien ne peut ébranler notre admiration), un comparatisme à fleur de peau pousse à des généralisations souvent prématurées. Je procède à l’inverse : généraliser d’abord et comparer ensuite."
Cette débauche de rationalisations masque une tolérance inconsciente envers le crime contre l'humanité banalisé dont ses praticiens insensés se croient moralement supérieurs par une croyance aussi religieuse qu'infantile. La circoncision est un eugénisme chirurgicalement imposé aux enfants, discriminatoire au point que son absence est sanctionnée par l'exclusion de la communauté. Voir un invariant entre l'étui pénien et la circoncision est d'autant plus apologétique de cette dernière que cette rationalisation prétend à la scientificité. L’étui pénien, la kippa ou le voile sont des invariants de différenciation des sexes. Les excisions sexuelles sont des aberrations de différenciation des sexes.
Cependant, une deuxième erreur, de fait cette fois-ci, témoigne de la gravité du traumatisme de la circoncision chez le sociologue :
"Le résultat est d'exposer le gland dans un cas, de le dissimuler dans l'autre."
Seule la première partie de cette phrase est vraie ; l'étui pénien ne dissimule pas le gland qui est déjà recouvert par le prépuce. Il n'y a donc pas "symétrie inversée" et cette erreur projette sur les intacts l'état de circoncis de son auteur ; il semble souhaiter dissimuler son propre gland même dans l'intimité, au contraire des Bororos qui enlèvent leur étui la nuit.
De surcroît, Lévi-Strauss ignore la psychanalyse et les travaux de Roheim sur les primitifs ("Psychanalyse et anthropologie" date de 1950, "Tristes tropiques" de 1955). Selon ce dernier, et d'autant plus qu'ils vivaient nus, les Bororos ont davantage de chances de réussir leur Œdipe que les circoncis appelés à la névrose, dans le meilleur des cas :
"... la surabondance des rituels traitant de ce thème (l'oralité) est un camouflage du complexe d'Oedipe."
"Il me semble que, bien que les éléments oraux et de séparation soient indubitablement présents, ils constituent seulement un mécanisme de défense régressif et rituel, un rempart contre l'Œdipe, l'agressivité et la virilité."4
Enfin, Lévi-Strauss rappelle la circoncision du fils de Moïse. Mais à la différence du caractère honorifique de l'étui pénien, cette circoncision ne fut pas seulement forcée sur l'enfant, elle le fut aussi sur la famille de Moïse5. Le comparatisme est donc encore plus inapproprié ici.
Pour le psychanalyste, réunir dans un même texte deux pareilles bévues sur l'extrémité du pénis est symptomatique du traumatisme de la circoncision. Ces erreurs révèlent un désir caché : ne pas être circoncis. Lévi-Strauss semble avoir été jaloux des beaux étuis à plumes de ses chers Bororos et tout se passe comme s'il avait choisi de les étudier à cause d'eux. Son désir inconscient fut de mettre l’accent sur le caractère primitif de la circoncision judaïque et, par comparaison, sur celui amusant, sympathique de l'étui. Ce dernier particularise le sexe masculin de façon tout aussi sexiste que la circoncision mais sans le mutiler. Face aux extravagances obsessionnelles de la barbarie communautariste, l'insistance structuraliste de Lévi-Strauss est un symptôme tout aussi obsessionnel. S'abritant derrière une pseudo-scientificité, son communautarisme s'égare dans ses propres classifications et obéit en fait à l'inconscient : l'équivalence des contraires dans la première erreur, la projection dans la seconde. La psychanalyse permet de voir clair dans ce magma patriarcal et phallocrate. Lévi-Strauss n'échappe pas au comparatisme qu'il reproche à Frazer mais il a bien vu l'invariant commun aux deux rituels : la sexiste, absurde, et antinaturelle séparation des hommes d'avec les femmes.
Cependant, puisqu'il voulait comparer, le sociologue aurait pu remarquer que la circoncision a une visée endogamique, raciste par prétention de supériorité morale fondée sur une différence physique, inexistante chez les Bororos. Pas davantage que Montaigne ("Chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage."), l'auteur de "Race et histoire" n'avait le droit d'affirmer : "Le barbare, c'est d'abord celui qui croit à la barbarie"6. Cela revient à dire que la barbarie n'existe pas. C'est de l'angélisme ; le respect des cultures n'autorise pas à tolérer l'intolérable. Systématiquement perpétrée en présence de la circoncision, d'un côté ou de l'autre et parfois des deux côtés7, la pratique généralisée du génocide au 20ème siècle renverse cette affirmation dans celle que le barbare est celui qui s'autorise la barbarie, laquelle correspond à des faits et non à des définitions intellectuelles ou morales. Or il existe une barbarie qui échappe jusqu’ici à la condamnation : la pire de toutes, la plus banale, la barbarie sur les enfants. Le relativisme culturel est là aux antipodes de l'éthique élémentaire. Si chacun est en droit de définir ses propres normes, la loi naturelle s'impose à tous, surtout lorsqu'elle est confirmée par la science. La médecine condamne les coutumes qui mutilent le corps humain. La déontologie médicale est limpide : une mutilation ne peut être pratiquée sans "très sérieux motif médical" (article 41 du code de déontologie, correspondant à l’article 16 du code civil). Il semble donc que la déclaration de Lévi-Strauss sur le "barbare" est un symptôme du même traumatisme inconscient dans lequel il justifie la barbarie circonciseuse.
En comparant étui pénien et circoncision, Exode sur exode, inconsciemment et pathologiquement narcissique et communautariste, occulte la plus abjecte pédocriminalité, une pédocriminalité contre l'humanité aux conséquences planétaires gravissimes8. Cette sociologie et cette philosophie idolâtres des différences culturelles prêchent une éthique perverse. Elle est prônée par une poignée d'universitaires féministes afro-américaines formées par l'anthropologie culturelle des États-Unis circonciseurs. Victimes des syndromes de Stockholm et de Münchhausen transgénérationnels et collectifs réunis dans les mutilations sexuelles9, elles vont, dans un délire hystérique, se faire exciser dans leur pays d'origine et accuser d'impérialisme les militants contre l'excision10. Ces délires eugénistes appartiennent au racisme de supériorité morale puritaine typique des mutilations sexuelles. "Metoo!" hurle l'enfant en Claude !(*)
1 Lévi-Strauss C. Exode sur Exode. In L'Homme, 1988 (106/107). Le mythe et ses métamorphoses, p. 13-19.https://www.persee.fr/doc/hom_0439-4216_1988_num_28_106_368967
2https://www.academia.edu/12963329/Un_lien_vers_ma_traduction_de_Circoncision_identit%C3%A9_genre_et_pouvoir_de_Miriam_Pollack
3 Bertaux-Navoiseau M. Sondage : 81% des circoncis ignorent les petits orgasmes en série, 91% des intacts en jouissent.
4 Roheim G. Psychanalyse et anthropologie. 1950. Paris : Gallimard ; 1967. 192-93.
5 Dans notre ouvrage La naissance du judaïsme, entre exégèse et égyptologie, nous avons interprété cette circoncision de façon cohérente avec l'histoire réelle, ce qui permet de comprendre ce qui s'est réellement passé entre Séphora, le prétendu Dieu et Moïse : https://www.amazon.fr/dp/1070493945.
6 Lévi-Strauss C. Race et histoire. Paris : Denoël-Gonthier ; 1968, p. 19-22.
7 Bertaux-Navoiseau M. Génocide et circoncision, causalité et corrélation quasi absolue (théorie psychanalytique du génocide).
8 Voir une série d'articles sur le thème Racisme, violence et circoncision :
https://nouvelobs.academia.edu/MichelHerv%C3%A9BertauxNavoiseau/Racisme,-violence-et-circoncision
9 Bertaux-Navoiseau M. Les mutilations sexuelles (excision, circoncision), une dangereuse folie transgénérationnelle et collective : un syndrome de Münchhausen par procuration et un syndrome de Stockholm aggravé.
10 Tierney J. A new debate on female circumcision. The New York times. 30 novembre 2007.https://tierneylab.blogs.nytimes.com/2007/11/30/a-new-debate-on-female-circumcision/.
(*(*) La circoncision est un viol réprimé par les articles 222-23 : "Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence,… est un viol." et 222-26 : "Le viol est puni de la réclusion criminelle a perpétuité lorsqu'il est précédé, accompagné ou suivi de tortures ou d'actes de barbarie." du code pénal.