L'exégèse moderne[1] estime que le Deutéronome, à la différence des autres livres de la Bible, fut écrit sous la direction de Moïse avec une grande unité de style. Or il ne se contente pas de condamner les mutilations sexuelles dans le Deuxième Commandement. Contrairement à d'autres livres de la Thora, il ne parle pas d'exclure les "non circoncis" du temple et du repas de Pâques mais il insiste sur le fait que la seule condition de la nouvelle Alliance est le respect des Commandements. En effet il prend soin, en les introduisant(*), d'affirmer :
"Tout ce que je vous prescris, observez-le exactement, sans rien y ajouter... " (13 : 1)
Nous sommes en présence d'un Commandement préliminaire. Interdisant tout ce qui ne figure pas dans les suivants, et donc les mutilations sexuelles, il redouble le Second :
"… je suis ton Dieu, Dieu jaloux, qui poursuis le crime des pères… "
"Le crime des pères" ne peut être que la circoncision.
Le Deutéronome parle par la suite à treize reprises (4 : 5, 4 : 8, 4 : 14, 4 : 45, 5 : 7, 5 : 31, 6 : 1, 6 : 20, 7 : 11, 7 : 12, 8 : 11, 11 : 1) des "lois et des règles… " (4 : 1) qu'il préconise mais la circoncision n'y figure pas, non plus que dans les règles des versets 12 : 1 à 27 : 26. Par contre, les signes physiques distinctifs sont exclus ; la consécration du peuple juif à la divinité lui interdit de se distinguer par des signes extérieurs grossiers :
"Vous êtes les enfants de l'Éternel, votre Dieu : ne vous tailladez point le corps, ne vous ra-"sez pas entre les yeux, en l'honneur d'un mort. Car tu es un peuple consacré à l'Éternel, ton "Dieu, et c'est toi qu'il a choisi, l'Éternel, pour lui être un peuple spécial entre tous les peuples "répandus sur la terre." (14 : 1)
Prenant le contrepied de l'exclusion des intacts, il se défie des derniers survivants (circoncis) de la vieille génération belliqueuse :
"Celui qui a les génitoires écrasées ou mutilées ne sera point admis dans l'assemblée du Sei-"gneur." (23 : 2)
Pour signifier l'abolition du commandement imposé à Abraham, il souligne que l'Éternel a changé d'avis entre les deux Alliances :
"Ce n'est pas avec nos pères que l'Éternel a contracté cette alliance, c'est avec nous-mêmes, "nous qui sommes ici aujourd'hui, tous vivants." (5 : 3)
Il n'ignore pas l'ancienne Alliance :
"… il n'oubliera point l'alliance de tes pères… " (4 : 31)
mais semble se référer à la version du chapitre 15 de la Genèse, qui ne mentionne pas la circoncision, plutôt qu'à celle du chapitre 17. Puis il explicite la grande différence de nature entre les deux Alliances, différence qui condamne l'Alliance par la soumission :
"C'est face à face que l'Éternel vous parla... " (5 : 4)
Les deux Alliances sont incompatibles ; alors qu'Abraham avait gardé la face contre terre, la Nouvelle Alliance est un pacte d'égal à égal, dans lequel Moïse a obtenu de pharaon l'abolition des mutilations sexuelles :
"Et maintenant, ô Israël, ce que l'Éternel, ton Dieu, te demande uniquement, c'est de révérer "l'Éternel, ton Dieu, de suivre en tout ses voies, de l'aimer, de le servir de tout ton cœur et de "toute ton âme, en observant les préceptes et les lois du Seigneur que je t'impose aujourd'hui, "pour devenir heureux." (10 : 12-13)
Par contre, nous avons vu qu'en prescrivant la "circoncision du cœur", Moïse prend une position éthique contre la circoncision de la chair :
"Circoncisez donc votre cœur, ne raidissez plus votre nuque." (10 : 16)
Invitant les Hébreux à se relaxer, il souligne un symptôme obsessionnel, signe de fierté, certes, mais aussi de détresse émotionnelle, d'une crainte de la décapitation, de la castration totale, de l'impuissance. Cette "circoncision" est concédée par Dieu comme une grâce :
"Et l'Éternel, ton Dieu, circoncira ton cœur et celui de ta postérité pour que tu aimes l'Éternel, "ton Dieu, de tout ton cœur et de toute ton âme, et assures ton existence." (30 : 6)(*)
Référence à l'Alliance avec Abraham, la mention de la descendance est significative du remplacement de la circoncision du corps par celle du cœur.
Il est évident que Deutéronome interdit la circoncision. Aussi, c'est par euphémisme que le Professeur Thomas Römer nous écrivait que l'expression "circoncision du cœur" pourrait contenir une position polémique contre la circoncision. En réalité, appuyés par "Les secrets de l'Exode" de Messod et Roger Sabbah qui déclare la circoncision la dixième plaie d'Egypte, l'analyse qui précède et nos trois articles : "Abraham contre la circoncision
ARTICLESLIES
- "Les secrets de l'Exode", un livre de Messod et Roger Sabbah présenté par J-M Tasset
[1] cf. l'article "Bible" de l'Encyclopaedia Britannica
(*)Un Onzième Commandement synthétise les premiers : "Tu aimeras l'Éternel ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir." (6 : 5). Jésus-Christ l'a étendu en recommandant : "Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
(*) Les versets 10 : 16 and 30 : 6 sont les seules acceptions du terme "circoncision" dans tout le livre du Deutéronome.