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Billet de blog 3 février 2009

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MÉMOIRES D'UN PISSEUR D'ENCRE (XII)

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CHAPITRE IV, suite et fin

CABINETS PRÉSIDENTIELS

Avant qu’il ne soit élu, le maire de Paris a dû s’employer. Les Balladuriens faisaient le forcing pour rafler les bons sondages et longtemps ce fut l’homme de Matignon qui dama le pion à celui de l’hôtel de ville. On disait que les deux anciens compagnons de Pompidou avaient fini par se détester, au moins par s’éviter quand ils se rencontraient. Ainsi en fus-je le témoin, si j’ose dire privilégié.
Cela se passait dans les locaux de la préfecture de Lille – ville gaullienne à défaut d’être gaulliste – à l’occasion du congrès annuel des présidents de conseils généraux, assemblée que présidait alors Jean Puech, ministre de l’Agriculture de cette dernière cohabitation mitterrandienne. Jacques Chirac avait promis sa visite, dès son retour d’une tournée électorale en Martinique et Guadeloupe. Le Premier ministre, lui, venait faire entendre la voix prometteuse d’un Gouvernement qui, dès Mitterrand chassé, ferait la volonté balladurienne en matière d’économie libérale et de réformes de l’État.
J’étais au milieu d’un grand couloir, au premier étage de cette superbe préfecture, quand j’aperçus Edouard Balladur qui arrivait d’un bout, flanqué de son état-major de campagne. Un besoin pressant ne m’empêcha pas de pousser la porte à ressorts des toilettes, non sans avoir aperçu, arrivant à l’étage par l’autre bout du couloir, un Jacques Chirac tout bronzé. J’étais à mes affaires quand, soudain, et sans doute ne voulant pas saluer Balladur et se sentant pris, le président du RPR poussa la porte des latrines d’un violent coup d’épaule, m’écrasant en même temps contre le mur devant lequel j’officiais, et se réfugia bruyamment dans un des espaces royaux.
Mon soupir poussé et mes esprits repris, j’entendis le grand homme m’interpeller depuis son trône :
– Ah, je ne vous ai pas fait mal, au moins ?
– … Non, pas du tout, répondis-je assez hypocritement.
J’attendis que les petits coins eussent retrouvé leur calme et me dis tout haut que je détenais, moi, la preuve de la justesse de mon analyse : la guerre était bel et bien totale entre Balladur et Chirac, et le Premier ministre affichait un bel optimisme à quatre mois de l’élection.
Du coup, et comme les sondages commençaient, début mars, à frémir côté Chirac, et à geler côté Balladur, Yvon Mézou – alors directeur de la rédaction du Bien Public – décida de m’accompagner à Paris – le troisième compère devant être Jean-Louis Pierre, alors chef de la Rédaction locale de Dijon – où des rendez-vous avaient été pris le même jour tant à Matignon qu’à l’hôtel de ville. Jusqu’à ce jour où j’écris, peu de personnes ont eu écho de la matinée surréaliste que nous passâmes tous les trois à l’hôtel de Matignon…
À SUIVRE

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