Tout le monde a compris qu'en "transférant" l'orchestre de l'Opéra à une association de concerts dont la plupart des membres étaient les mêmes qu'à l'Opéra, la Ville de Dijon unanime – gauche et droite ont voté sans état d'âme la suppression d'emplois induite – entendait se défausser à moindre frais de tout ce qui touche à l'art lyrique à Dijon. Le précédent du ballet – limogé il y a trois ans – était déjà un signe.
Les musiciens ont compris la manoeuvre. Ils se rebiffent et, forts de droits acquis, d'ancienneté, de contrats divers et d'une légitimité liée à l'histoire, ils tentent de sauver l'avenir des musiciens qui viendront après eux dans la ville de Rameau et qui, aujourd'hui au conservatoire, doivent se demander si l'exil n'est pas leur première urgence. La grève annoncée des musiciens au soir de la première représentation des Contes d'Hoffmann aura au moins le mérite de sensibiliser le public à cette situation inédite.
Il s'agit que tous comprennent bien que ce "transfert" est une illusion : dans leur communiqué, les musiciens précisent bien que "la Camerata est une formation constituée en majorité de musiciens de l'orchestre de l'Opéra (...) mais en activité totalement annexe à leur activité professionnelle de l'Opéra". D'où leur demande que "ce transfert s'effectue dans l'autre sens, c'est-à-dire transférer la Camerata vers l'orchestre de l'Opéra et non l'inverse".
Il y a enfin, derrière cette pirouette sociale mal venue en ces temps de crise, une autre astuce suggérée par l'actuelle et fantaisiste direction de l'Opéra de Dijon : remplacer l'orchestre par un autre, sans doute de grande valeur symphonique, composé de musiciens surtout parisiens, et que la dite direction a amenée à Dijon dans ses bagages. Déjà, la formation est dite "en résidence".
La résidence doit, en effet, être bien bonne pour que, dans cette ville bourgeoise où l'on a toujours béé d'admiration devant les modes parisiennes, la méthode dite du coucou eut été acceptée par des élus peu scrupuleux qui n'y ont vu que du feu et se sont laissés berner par l'incendiaire.