La Ville de Dijon vient de se débarrasser de son Opéra via ce qu'il en restait encore : son orchestre. Cette privatisation n'a eu l'air de gêner aucun des élus, ni ceux de la majorité du maire, François Rebsamen, ni ceux de l'opposition UMP, puisque ce qu'ils ont appelé le "transfert" de l'orchestre à la Camerata de Bourgogne (association privée d'une quinzaine de musiciens dirigée par le trompettiste Thierry Caens) a été voté à l'unanimité début février.
Et hop ! Plus d'orchestre. Il n'y a eu aucune concertation, aucun dialogue social, malgré les nombreuses questions sempiternellement posées au directeur Laurent Joyeux et qui sont toujours restées sans réponse, malgré un préavis de grève des musiciens – grève levée après rencontre avec le maire qui a parlé du "développement artistique des musiciens" (sic) dans un cadre plus large que celui de l'Opéra qui est en proie à des "contraintes accrues" (re-sic) – et une victoire des musiciens "intermittents" devant le tribunal des Prud'hommes.
Il convient également de savoir que le directeur de l'Opéra, qui arrive de Lille où il a fait vivoter un Opéra mort depuis longtemps, a réduit considérablement le nombre des productions lyriques dijonnaises, réservant sa prochaine saison à des spectacles invités et des ballets que l'on dansera sur de la musique enregistrée. Et comme la presse locale, muselée, a laissé croire que la fusion orchestrale Opéra/Camerata était une chance pour la musique à Dijon, personne n'a cru bon de réagir.
Cette privatisation survient à un moment où l'emploi est menacé de partout, où d'autres villes se débarrassent elles aussi de leurs musiciens lyriques (Avignon, Saint-Etienne, Besançon), et deux ans après que la même Ville de Dijon eut viré manu militari le ballet du dit Opéra. Il reste dans la Maison quelques choristes égarés errant dans les coulisses d'un Auditorium qui, lui aussi, a été sacrifié sur l'autel des économies : c'est ainsi que le "cadeau de Dieu" dont parlait Rostropovitch ne reçoit déjà plus les grandes formations qui ont fait sa jeune réputation et qui était toute l'ambition de celui a voulu cette salle, l'ancien maire Robert Poujade.
Photo : la salle de l'Auditorium de Dijon