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Michel J. Cuny

Ecrivain-éditeur professionnel indépendant depuis 1976. Compagnon de Françoise Petitdemange, elle-même écrivaine-éditrice professionnelle indépendante depuis 1981.

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Billet de blog 1 février 2015

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De Gaulle et le gaullisme "historique" : ce cancer qui nous ronge (XXXIII)

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    Une reconquête coloniale empêchée par les Britanniques

    Une fois obtenu l’accord des Britanniques d’avoir une place dans les mouvements de troupes qui vont concerner la Syrie, le général De Gaulle est tellement impatient d’en venir aux mains qu’il ne dissimule plus, même aux yeux des Britanniques qui ne l’oublieront pas, le fond de sa pensée annexionniste et recolonisatrice. C’est présent, noir sur blanc, dans le télégramme qu’il transmet, de Brazzaville, au général Spears, le 20 mai 1941 :
    "Je ne puis comprendre le retard apporté au transport des troupes françaises face à Damas. La marche sur Damas est une question d’heures. La situation risque de se gâter très vite du fait de Vichy ou des Allemands ou des nationalistes syriens ou de tous à la fois. Contrairement aux rapports de l’Intelligence britannique dont vous me parlez dans votre télégramme n° 108, je suis convaincu que les meneurs arabes à Damas sont d’accord avec les Allemands." (Let-tres, pages 333-334)

    Cette dernière accusation est avancée délibérément sans preuve… Mais les Britanniques commencent à connaître les éminentes qualités morales du personnage qui leur sert de fardeau.

    Ils ont d’ailleurs pris leurs précautions pour garantir la suite des événements. Voici à quoi Charles De Gaulle s’est trouvé réduit pour mériter de prendre sa place aux côtés des Britanniques au moment de l’investissement de la Syrie et du Liban (télégramme de Charles De Gaulle à Anthony Eden, du 25 mai 1941) :
    "J’ai arrêté le texte de la déclaration d’indépendance des États du Levant qui serait faite au nom de la France Libre, c’est-à-dire de la France, au moment de l’action si cette action a lieu." (Lettres, page 336)

    L’accord des Britanniques obtenu, De Gaulle prévient le général Catroux par un télégramme du 28 mai 1941 :
    "Je vous envoie ci-joint le texte de la proclamation à faire par vous au nom de la France Libre dans l’éventualité que vous savez." (Lettres, page 339)

    Cette proclamation, dont le général Catroux assume l’entière responsabilité parce qu’il en partage le contenu, commence de la façon suivante :
    "À l’heure où les forces de la France Libre, unies aux forces de la Grande-Bretagne, son allié, pénètrent sur votre territoire, je déclare assumer les pouvoirs, les responsabilités et les devoirs du représentant de la France au Levant." (Lettres, page 340)

    Vient ensuite cette formule qui montre bien que Charles De Gaulle a été freiné dans son ardeur de se jeter toujours en avant, et d’y pousser avec lui sa France Libre rien qu’à lui. Ici, elle est aussi autre chose, qui la sépare de lui :
    "Ceci au nom de la France Libre qui s’identifie avec la France traditionnelle et authentique et au nom de son chef, le général De Gaulle." (Lettres, page 340)

    Voici que paraît le général Catroux lui-même, et ce qu’il est chargé d’annoncer et de mettre en œuvre :
    "En agissant comme tel, j’abolis le Mandat et je vous proclame libres et indépendants. Vous êtes donc, désormais, des peuples souverains et indépendants et vous pourrez, soit vous constituer en deux États distincts, soit vous rassembler en un seul État."

    Il y a cependant encore une étape à franchir ; elle paraît d’abord relativement bénigne, mais c’est par où De Gaulle s’efforcera de bloquer l’ensemble du processus aussi longtemps qu’il le pourra. Lisons la suite de la proclamation du général Catroux qui, lui, adhère à l’idée de la réalisation pleine et entière de l’indépendance des deux pays, réunis ou pas :
    "Dans les deux hypothèses, votre statut d’indépendance et de souveraineté sera garanti par un traité où seront en outre définis nos rapports réciproques. Ce traité sera négocié dès que possible entre vos représentants et moi." (Lettres, page 340)

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