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Michel J. Cuny

Ecrivain-éditeur professionnel indépendant depuis 1976. Compagnon de Françoise Petitdemange, elle-même écrivaine-éditrice professionnelle indépendante depuis 1981.

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Billet de blog 6 février 2015

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Pourquoi et comment ils ont tué Muammar Gaddhafi - Série A - numéro 33

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    Une Bulgarie qui découvrait son Far West... au sud

     Il y en a au moins une qui a bien retenu la leçon, c'est l'infirmière bulgare Snezhana Dimitrova. Le gentil Axel Poniatowski a délicatement glissé son précieux témoignage tout juste sous ce grand titre : "II – La mobilisation humanitaire de l'Union européenne et de plusieurs pays européens"...

    Humanitaire... peut-être pas tant que ça. Politico-idéologique, plutôt... Et légèrement tardive, puisque cette mobilisation ne s'est péniblement mise en branle que plus de cinq ans après l'arrestation des personnes soupçonnées d'avoir participé à l'empoisonnement, par le virus du sida, de plusieurs centaines d'enfants libyens, mais à quelques encâblures seulement de l'entrée de la Bulgarie dans l'Europe.

    Aussi apprêté soit-il, le témoignage de Snezhana Dimitrova n'aura pas pu éviter de nous le dire très nettement :
    « J’ai travaillé six mois dans ce pays, avant de passer huit ans et demi en prison. Je n’ai rien compris, tout comme je n’ai rien compris des conditions de notre libération. La seule chose que je savais, c’était que la Bulgarie et toute l’Europe étaient solidaires, comme nous avons pu nous en rendre compte au moment où nous avons mis les pieds sur le sol bulgare. La meilleure chose dans cette affaire, c’est de voir l’Europe unie et solidaire. »

    Ce n'est qu'en arrivant en Bulgarie que cette brave dame a découvert au coeur de quel Barnum elle et ses consoeurs avaient pris place sans le savoir... Du crime sanctionné par la mort, à l'héroïsme le plus pur, façon Jeanne d'Arc de retour d'Orléans... C'est vraiment chouette, l'Europe.

    Axel s'engouffre à son tour dans le boulevard :
    "Une véritable solidarité européenne s’est en effet forgée autour de cette affaire. L’Union européenne a fait la preuve de son efficacité en des circonstances où ses valeurs essentielles étaient en jeu."

    Ses valeurs... d'échange ? Qu'a-t-elle donné en échange ?... Mais, n'anticipons pas. Restons dans ce petit air de flûte que le bon Ponia tente de nous interpréter tout en marchant sur un terrain soudainement très encombré :
    "Concernée au premier chef par la détention de cinq de ses ressortissantes, la Bulgarie s’est efforcée d’aboutir à leur libération, mais de l’aveu même de ses autorités, a rencontré de nombreuses difficultés."

    Était-elle, elle-même, très sûre de n'avoir affaire qu'à des innocentes ?... Difficile de le croire... Mais laissons le rapporteur de la Commission d'enquête nous en dire plus :
    "La Bulgarie entretient des relations étroites avec la Libye depuis les années soixante-dix, époque où elle appartenait au Pacte de Varsovie et au COMECON. De nombreux techniciens de l’industrie, coopérants militaires et personnels médicaux étaient mis à disposition de pays non alignés, comme l’Algérie, la Tunisie, la Libye, dans le cadre de coopérations bilatérales. La disparition du Pacte de Varsovie n’a pas mis fin à la présence de Bulgares sur le sol libyen."

    Eh oui, la Libye de Muammar Gaddhafi, le dictateur sanguinaire d'un pays corrompu jusqu'à la moëlle, entretenait des relations étroites avec tous ces régimes tout aussi sanguinaires que le sien. Heureusement, nous les non-sanguinaires, on les a eus, hein !...

    Toutefois, comme il est avéré, pour toutes les Françaises et Français complètement intoxiqué(e)s par leurs "zélites", que le dictateur libyen était le pire, comment comprendre que la Bulgarie, sitôt sortie des griffes de l'ours soviétique n'ait pas tendu aussitôt ses petits bras vers l'Europe ? Pourquoi donc a-t-il fallu qu'elle persiste à entretenir des relations coupables avec ce pays où les hôpitaux sont tellement sales et les techniques médicales ordinaires tellement criminelles que le sida peut parfois être élaboré sur un coin de table puis être très vite injecté, par la poussière, à des centaines d'enfants, selon les célèbres analyses si pointues de l'improbable professeur Montagnier ("je le jure !") ? C'est que, d'abord et avant tout, la Bulgarie a dû manger de la vache enragée, et c'était bien normal :
    "L’effondrement de l’économie et du système social des pays de l’Est, puis la difficile phase de transition préalable à l’adhésion à l’Union européenne, ont entraîné de nombreuses tensions en Bulgarie où le salaire moyen est demeuré très bas, autour de 200 euros par mois. Or la Libye, riche Etat pétrolier et gazier, mais faiblement peuplé, manquant de main d’œuvre qualifiée dans plusieurs secteurs, offre des salaires attractifs. La présence de travailleurs bulgares en Libye s’est donc maintenue, notamment dans le secteur médical."

    Incroyable ! La Libye de Muammar Gaddhafi ! Malgré, comme nous l'imaginons, des fleuves de sang répandus un peu partout, la Libye était... riche ! Alors que nous savons, nous, que le dictateur mangeait quotidiennement des petits enfants !... Et qu'il pouvait passer des coups de téléphone pour faire condamner à mort des infirmières qui auraient donné jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour sauver le moindre enfant libyen !

    Trêve de plaisanterie... Y avait donc du pognon, dans ce bled !... Aurait-on pas pu en carotter un peu ? Vas-y, Axel, raconte comment ça se passe, quand le "collectivisme" s'effondre et que les travailleurs (dont ceux de la santé, par exemple) se trouvent chassés, en tant que classe, du contrôle des outils de production :
    "La plupart d’entre eux ont été engagés par des entreprises publiques ou privées bulgares spécialisées dans le recrutement de personnels médicaux. Mme Nasya Nenova, infirmière, a indiqué lors de son audition que sa présence à Benghazi reposait sur un accord bulgaro-libyen et que son salaire en Libye était cinq fois supérieur à celui qu’elle percevait en Bulgarie. Mme Valya Chervenyashka, lors de cette même séance, a confirmé qu’elle était en Libye pour une raison économique et qu’elle voulait continuer à y travailler, compte tenu de la grande différence des salaires."

    Nous avons bien lu : un salaire "cinq fois supérieurs". Le Far West, hein !... Avec, peut-être même, la possibilité de transformer les économies réalisées sur le salaire libyen en un petit capital à venir faire fructifier ensuite dans la Bulgarie capitaliste de la prochaine Europe... et si, parfois, un petit dessous de table pouvait s'y ajouter, etc... Nous sentons déjà un certain effet de cavalerie dans quelques cervelles rien qu'un peu aventureuses... Finalement, c'est passionnant, cette affaire d'enfants frappés par le sida ! Et ce petit pétrole et ce petit gaz qui vous tendent les bras... N'est-ce pas, Roland de Margerie de Total ?...

(référence permanente à propos de la Libye de Muammar Gaddhafi : http://www.francoisepetitdemange.sitew.fr)

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