La "communauté internationale" vient à résipiscence devant la Libye de Muammar Gaddhafi
Destiné à masquer la culpabilité occidentale – dont nous ignorons pour l'instant le contenu – dans la contamination de plusieurs centaines d'enfants libyens par le virus du sida, et à permettre à l'Europe d'indemniser les familles de ceux-ci et des quelques dizaines qui en sont morts, le Fonds international de Benghazi a donc été mis en place en décembre 2005.
Aussitôt, il s'avère qu'il s'agit effectivement d'une... société écran.
Comme Axel Poniatowski nous l'a dit précédemment : les statuts en ont été rédigés par le Foreign Office britannique. Rien dans les mains, rien dans les poches :
"Comme son nom le laisse supposer, le Fonds est un livre de comptes, qui n’a ni siège, ni équipe permanente", constate le rapporteur.
Voici, en quelque sorte, l'intitulé de façade :
"L’article 3 des statuts prévoit que le Fonds est une institution humanitaire en vue d’aider les victimes de l’épidémie de sida à Benghazi."
Évidemment, alors que l'épidémie est survenue plus de sept ans avant la mise en oeuvre de ce Fonds, il y a bien longtemps que l'aide aux victimes en tant que telles a été fournie par la Libye, qui n'a attendu personne pour faire ce qu'elle avait à faire. Mais il lui reste maintenant à récupérer ce qui est dû aux familles et à elle-même du fait de l'initiative que l'Union européenne a cru devoir prendre d'indemniser... Il ne s'agit donc pas "d'aider les victimes de l'épidémie", mais de les indemniser, sur le fondement d'une faute commise initialement par des ressortissants bulgares, d'origine ou d'adoption, faute non encore définie.
Passons à l'article suivant, tel qu'Axel Poniatowski nous en livre le contenu :
"L’article 4, dans son premier alinéa, précise que le Fonds reçoit à cette fin des contributions de donateurs publics comme privés. Ces contributions ont un triple objet : financer les infrastructures médicales locales, améliorer le traitement des patients et aider les familles."
Ainsi, non seulement ce Fonds est une société écran, mais, dès l'abord, il est... vide. À moins qu'il ne finisse pas trouver des contributeurs... bénévoles. Quant aux contributions elles-mêmes, elles ne devraient tendre qu'à "aider". Tout est donc parfaitement en ordre : l'indemnisation n'y est plus du tout.
Aurions-nous rêvé ? N'aurait-il jamais été question d'indemnisation ?... Comme on le voit, l'écran fonctionne à merveille. Axel Poniatowski est lui-même ébloui par tant de science :
"Ce mécanisme, d’une grande souplesse, répond à un objectif humanitaire précis : assurer le soutien médical aux victimes, ce soutien n’étant pas limité dans le temps, et indemniser leurs familles."
Et revoici... l'indemnisation. Car l'écran n'est pas tout, bien sûr : il doit servir à masquer l'indemnisation. Indemnisation... avec rien. Ou alors avec quelque chose, mais, de personne... Nous sommes en plein palais des glaces. Or, immédiatement après le rappel de la nécessité de l'indemnisation, Axel nous sert à nouveau son petit alcool de contrebande qui nous fait voir double le fameux "mécanisme" :
"Il répond également à un objectif politique non moins précis : ne pas contraindre l’Etat libyen à indemniser lui-même les familles, ce qui eût valu reconnaissance de sa faute."
L'Union européenne indemnise en lieu et place de la Libye... L'illusion est parfaite. On ne bouge plus : c'est juste à ce moment-là qu'il faut prendre la photo.
Ensuite, comme dirait Napoléon : tout est une question d'exécution. Et c'est là où l'on s'amuse vraiment :
"Dès la mise en place du FIB, M. Marc Pierini a été chargé de recueillir des contributions, tâche à laquelle il s’est consacré, entre autres travaux, au cours de l’année 2006, mais il a lui-même admis n’avoir recueilli que quelques promesses, la plupart du temps aux alentours de 100.000 ou 200.000 euros, ses interlocuteurs ne souhaitant pas verser des dons à un Fonds lié à la résolution d’un cas judiciaire qui demeurait inextricable."
Effectivement, le "cas judiciaire" était un tout petit peu inextricable. Et ça ne fait jamais plaisir à personne d'aller payer les fautes d'autrui... Eh, la Bulgarie, tu nous entends ?...
Au bout d'une année de recherches infructueuses, le brave Pierini était plus ou moins à la rue. Tu peux y aller, d'une galère!... C'est alors qu'il va finir par bénéficier d'une perche que lui tend la Libye, qui compte bien, elle, recevoir l'indemnisation qui lui a été promise. Alex nous en fait la confidence en soulignant bien que l'objet était sans doute un peu pointu :
"La situation s’est difficilement dénouée au cours du premier semestre de l’année 2007. Il semble que M. Seif El-Islam, fils du colonel Kadhafi, ait présenté le 10 février à Mme Benita Ferrero-Waldner une « feuille de route » pour le règlement de l’affaire."
Feuille de route sans doute un peu en forme de montée du Golgotha : pas mauvais, pour une sainte.
Voici donc le placard que nous livre le rapporteur de la Commission d'enquête sur les conditions de libération des infirmières et du médecin bulgares détenus en Libye et sur les récents accords franco-libyens :
"• L’assurance que les accusés ne seraient pas exécutés.
• La commutation de la peine de mort en peine de prison, ce qui permettrait d’extrader les infirmières et le médecin en application de la convention d’entraide judiciaire avec la Bulgarie.
• La signature d’un mémorandum en vue du transfert en Libye de M. Abdel Basset Al Migrahi, emprisonné en Grande-Bretagne à la suite de l’attentat de Lockerbie.
• L’indemnisation des familles des enfants contaminés, dont le financement devait être assuré par la communauté internationale, et notamment par l’Union européenne."
Force est de constater qu'aucune allusion à une éventuelle innocence des six personnes condamnées à mort n'apparaît ici. Elles ne font que sauver leur vie. Quant à l'indemnisation, loin de se borner à la seule Union européenne, elle est mise à la charge de la "communauté internationale" dont nous savons bien qu'elle se limite aux pays occidentaux capitalistes...
Voilà où sont les responsables de la grande manoeuvre qui aura valu à la Libye de Muammar Gaddhafi la terrible tragédie de l'hôpital de Benghazi.
Tout ceci est bel et bien signé.
Or, ce n'était d'une préface à ce qui est venu anéantir ce même pays en 2011, et pour y détruire tout ce que le peuple libyen avait construit au long de ces quarante-deux années dont Françoise Petitdemange a relevé l'extraordinaire dynamique d'ensemble dans l'ouvrage "La Libye révolutionnaire dans le monde (1969-2011)".