Grâce à Thomas Piketty, nous sommes prêt(e)s à participer à la curée et à ses miettes... Tant du côté des "capitaux" (rien que des éléments de patrimoine, en réalité), que du côté des "revenus", il doit y avoir quelque chose à ramasser à titre "individuel"... C'est ce qui peut sans doute, dans le langage d'une certaine petite-bourgeoisie, se couvrir de la misérable formule "faire société"... Voici l'infâme ramassis des "petits autres" qui se comptent comme une invraisemblable collection d'émargeurs à la démocratie méritocratique.
En termes lacaniens, on nous aura rivé(e)s au registre imaginaire, c'est-à-dire à ce qui est constitutif du moi : chacun pour soi, et tous les coups sont permis... Dans le miroir, bien certainement, il n'y a que moi... autre moi-même, et qui moi-même me trahit en ce qu'il est mon autre... et pourtant moi encore...
Après cela, que nous reste-t-il dans le regard pour observer autre chose que "moi" et son pauvre "même" ? En tout cas, nous constatons que Thomas Piketty tient absolument à renforcer la structure à oeillères qu'il nous a mise sur le nez, en nous rappelant une nouvelle fois à l'ordre de ce qui doit être "vu" autant pour l'ici que pour le maintenant :
"Afin d'aider chacun à visualiser la forme concrète que prennent les patrimoines dans le monde d'aujourd'hui, il est inutile de préciser que le stock de capital dans les pays développés se partage actuellement entre deux moitiés approximativement égales : capital logement d'une part, et capital productif utilisé par les entreprises et administrations d'autre part." (page 91)
La tanière, d'abord... Le terrain de chasse, ensuite... Le petit-bourgeois est paré... Toute la science économique vient de s'effondrer dans un grand bruit de vaisselle brisée et de lavabos qui se vident. Faisons nos comptes, et réjouissons-nous :
"Pour simplifier, dans les pays riches des années 2010, chaque habitant gagne en moyenne de l'ordre de 30 000 euros de revenu annuel, et possède environ 180 000 euros de patrimoine, dont 90 000 euros sous forme d'actions, obligations et autres parts, plans d'épargne ou placements financiers investis dans les entreprises et les administrations." (pages 91-92)
Comme on le voit, la chasse est bonne... rapportée au confort général de la tanière... et aux moyens que celle-ci fournit pour repartir de l'avant.
Or, Thomas Piketty n'oublie pas d'aiguiser notre attention de petits rapaces :
"Il existe des variations intéressantes entre pays, que nous analyserons dans le prochain chapitre." (page 92)
Qui dit mieux ? A-t-on jamais vu pareils enfantillages s'affirmer avec autant d'apparente ingénuité pour régler des questions qui n'inquiètent rien que l'ensemble de la planète ?