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Michel J. Cuny

Ecrivain-éditeur professionnel indépendant depuis 1976. Compagnon de Françoise Petitdemange, elle-même écrivaine-éditrice professionnelle indépendante depuis 1981.

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Billet de blog 11 décembre 2014

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Jouez, finances, cependant que je les tiens à la gorge !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

(L'ensemble de ce billet est tiré des pages 407-409 de l'ouvrage que j'ai publié en 2011 : "Une santé aux mains du grand capital ? - L'alerte du médiator". On le retrouvera plus largement évoqué ici :
http://unesanteauxmainsdugrandcapital.hautetfort.com)

Tandis que les spéculateurs s’arrachent les couronnes de lauriers, les banques centrales – parmi lesquelles la BCE (Banque centrale européenne) tient un rôle éminent – brandissent un collier étrangleur à proximité de la gorge des populations soumises. Pas de hausse des prix !... Ce qui veut tout simplement dire : pas de hausse des salaires !

Et ça marche.

Il y a d’abord, ainsi que l’indique François Morin [Le nouveau mur de l'argent - Essai sur la finance globalisée, Seuil 2006], la version officielle de leur rôle :
« Censés être les régulateurs des marchés monétaires et, indirectement, des marchés financiers, les banquiers centraux ne manquent jamais de rappeler quel est leur objectif fondamental : la lutte contre l’inflation, donc la stabilité des prix. »

Jusqu’à preuve du contraire, en Europe par exemple, cette tâche a été remplie à merveille, ainsi que sa conséquence escomptée en régime de chômage massif : sous la stabilité monétaire maintenue, les salaires n’ont fait que se dégrader.

Que dire, par contre, du rôle des banques centrales en face des déséquilibres induits, par l’excès des liquidités, sur les cours de Bourse ou sur l’immobilier, dont on sait que l’effondrement subséquent peut déboucher sur des catastrophes dans la sphère de l’économie réelle ?

François Morin nous apporte sa propre réponse :
« Rappelons en effet que, lorsque le coût d’un crédit est faible par rapport à des gains espérés sur un marché financier, un agent quelconque (un ménage, une firme, un investisseur) a tout intérêt à emprunter des ressources auprès de sa banque (taux d’intérêt à 3% ou 4%) pour ensuite acheter des actions sur le marché boursier (taux de rendement espéré : 15% ou plus). Une fois l’achat de ces nouvelles actions réalisé, l’agent, qui a vu son patrimoine s’élargir, peut de nouveau emprunter pour acheter… de nouvelles actions ! Ce processus permet de comprendre la formation d’une bulle financière et son gonflement rapide. C’est le même enchaînement qui est à l’oeuvre dans une bulle immobilière, lorsque la perspective de fortes plus-values foncières se développe, puis que ces plus-values se matérialisent. »

En ce qui concerne l’immobilier, la conséquence des spéculations et des plus-values auxquelles il donne lieu est que le coût de l’accession au logement (et par conséquent celui de la location elle aussi) se trouve augmenté pour celles et ceux qui arrivent en bout de chaîne, et qui doivent acquitter la rente obtenue par leurs prédécesseurs, sauf à trouver, à leur tour… un client.

De même sur le marché boursier, auquel, comme pour l’immobilier, il peut arriver de s’effondrer brutalement, frappant de plein fouet celles et ceux qui ont eu la maladresse de ne pas se défaire plus tôt de leurs patates chaudes.

Étonnons-nous ensuite de ce que, d’une part, il y ait désormais tant de familles sans domicile fixe !... Et de ce que, d’autre part, il soit devenu si passionnant de spéculer à court terme, plutôt que d’investir à long terme.

Assez naïvement, on pourrait bien sûr s’étonner de l’inertie des banques centrales dans la question du développement des diverses spéculations, alors qu’elles sont tellement soucieuses de contrôler la stabilité des prix (parce qu’ainsi elles rivent leur clou aux salaires). C’est ce que fait François Morin :
« Comment intégrer pratiquement dans leur dispositif de régulation un objectif de lutte contre l’inflation "financière", c’est-à-dire contre la hausse du prix des actifs financiers (ou, en termes plus explicites, contre la hausse des cours de Bourse), alors que cet objectif n’est pas inscrit formellement dans leurs statuts ? »

Mais François Morin n’est pas suffisamment naïf, lui qui a évidemment connu d’autres temps et d’autres moeurs lorsqu’il était membre du Conseil général de la Banque de France (1985 à 1993), pour ne pas savoir ceci :
« Seule une inflation portant sur les prix des biens et services – et non pas sur le prix des actifs financiers – est susceptible d’entraîner une réaction de la Banque centrale (hausse de ses taux directeurs). En revanche, celle-ci n’hésitera pas à injecter des quantités massives de liquidités pour gérer les conséquences de l’éclatement d’une bulle financière, alors qu’il n’y a aucun signal inquiétant sur l’évolution des prix (des biens et services). »

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