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Michel J. Cuny

Ecrivain-éditeur professionnel indépendant depuis 1976. Compagnon de Françoise Petitdemange, elle-même écrivaine-éditrice professionnelle indépendante depuis 1981.

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Billet de blog 12 janvier 2015

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Pourquoi et comment ils ont tué Muammar Gaddhafi - Série A - numéro 16

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

    Une chronologie très révélatrice par elle-même

    Soudainement, le rapport de la Commission d'enquête est interrompu par la présentation d'une chronologie de la procédure judiciaire qui est venue frapper les cinq infirmières bulgares et le médecin initialement palestinien.

    Les premiers mots n'en sont surtout pas à négliger :
    "9 février 1999 : 23 ressortissants bulgares, venus pour des raisons financières travailler comme soignants en Libye, et un médecin palestinien sont arrêtés."

    En ce qui concerne le personnel d'origine bulgare, nous constatons – habitué(e)s que nous sommes à toujours prendre les pays africains pour des redevables de la richesse des pays du nord – qu'il venait en Libye non pas au titre d'une aide humanitaire offerte par les pays riches, mais pour être lui-même un peu (beaucoup) moins pauvre.

    Or si, dans les décennies précédentes, la Libye avait noué des contacts avec certains pays du bloc soviétique, la Bulgarie de 1999 était devenue un pays "libre"... avec une population parfaitement déboussolée. Le grand espace de l'arrivisme individuel étant ouvert, il a pu se produire que les plus ambitieux de ses citoyens aient décidé d'aller tenter l'aventure d'un enrichissement plus ou moins rapide à l'extérieur. Ces dames elles-mêmes ne pouvaient-elles pas avoir eu en tête de se transformer en louves ? Hypothèse que personne, bien sûr, ne s'aventurerait à retenir... Mais il s'agissait de leur droit le plus strict. Cela n'avait pas, par avance, à revêtir des formes criminelles.

    Or, les voici arrêtées le 9 février 1999.

    La chronologie poursuit :
    "La plupart des Bulgares sont relâchés peu après, à l’exception de cinq infirmières et trois médecins."

    Puis, deux des trois médecins bulgares ayant été libérés, "7 février 2000 : ouverture du procès, devant le Tribunal du peuple de Tripoli, des cinq infirmières, d’un médecin bulgare, du médecin palestinien et de neuf libyens, également inculpés d’avoir sciemment inoculé le virus du sida aux enfants."

    "Tribunal du peuple" ? Ah bon, dans une dictature...

    Recourons tout de suite à "La Libye révolutionnaire dans le monde (1969-2011)" de Françoise Petitdemange. En haut de la page 226 apparaît le titre "CGP (Congrès Général du Peuple), 13ème session ordinaire, à Ras-Lanouf, du 2 au 10 mars 1988)"

    Au bas de cette même page, l'écrivaine nous indique ceci :
    "Le 9 mars, Muammar Gaddhafi annonce la création de nouveaux tribunaux du peuple et propose, une nouvelle fois, la suppression de la peine de mort et sa commutation en prison à vie."

    Une "nouvelle fois", cette suppression lui sera refusée, le peuple craignant que les opposants n'en profitent pour attaquer la révolution. Un vrai dictateur sanguinaire.

    Poursuivons maintenant notre lecture de la chronologie établie par le rapporteur de la Commission d'enquête, Axel Poniatowski :
    "2 juin 2000 : les infirmières déposent une plainte pour les tortures qui leur ont été infligées durant l’enquête. (Le 9 août 2007, M. Seif El-Islam Kadhafi, fils du « Guide », reconnaîtra au cours d’un entretien accordé à la chaîne de télévision Al Jazira, que les praticiens bulgares ont subi des tortures au cours de leur détention)."

    Ne nous emballons pas... C'est seulement à cette date : 2 juin 2000, c'est-à-dire quatre mois après l'ouverture du procès (7 février 2000), que les infirmières font savoir qu'elles ont été torturées durant l'enquête, c'est-à-dire avant cette dernière date...

    Quant aux propos prêtés à Seif El-Islam Kadhafi, ils datent de plus de sept ans et demi après que les tortures invoquées aient été infligées... Que peut bien signifier cela ? Ils se placent même après... que les infirmières eussent été libérées (24 juillet 2007).

    Disons-le cependant tout de suite : il y a eu un moment où le comportement du fils aîné de Muammar Gaddhafi et de son épouse Safia aura suscité l'étonnement de la Commission d'enquête tout en lui offrant la tentation de troublantes manoeuvres... Nous y reviendrons.

(référence permanente à propos de la Libye de Muammar Gaddhafi : http://www.francoisepetitdemange.sitew.fr)

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