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Michel J. Cuny

Ecrivain-éditeur professionnel indépendant depuis 1976. Compagnon de Françoise Petitdemange, elle-même écrivaine-éditrice professionnelle indépendante depuis 1981.

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Billet de blog 12 février 2015

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Pourquoi et comment ils ont tué Muammar Gaddhafi - Série A - numéro 35

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

    Axel Poniatowski dénonce magistralement l'Union européenne sans s'en rendre compte...

    Alors que nous arrivons avec lui à la rubrique intitulée"2. L’implication de l’Union européenne", Axel Poniatowski nous résume les épisodes précédents dans un raccourci saisissant :
    "L’affaire des infirmières, on l’a vu, était au départ une affaire intérieure libyenne. Les arrestations ont servi à masquer les carences du système de santé à Benghazi, la culpabilité des soignants permettant de justifier la situation. Il fallait donc obtenir la libération des prisonniers sans que le régime libyen perde la face."

    Inutile de se pencher sur les causes de l'épidémie... Les voici énoncées.

    Par conséquent, l'Union européenne n'aura pas à s'impliquer beaucoup. Elle devra se contenter de faire semblant de croire que la Libye n'y est pour rien... Et, dans la foulée, elle la tirera très vite de ce mauvais pas sans grande importance...

    En effet, le représentant de l’Union européenne auprès de Tripoli l'a affirmé avec toute l'autorité requise de quelqu'un qui n'y connaît manifestement rien, et qui de toute façon s'en fiche, ce qui fait qu'Axel peut s'en remettre à lui les yeux fermés :
    "Comme l’a souligné M. Marc Pierini devant la commission d’enquête, « même si l’infection VIH/sida de Benghazi était, du point de vue médical, une tragédie limitée dans l’ordre des choses, elle n’en restait pas moins une tragédie très particulière parce qu’elle ne touchait que des enfants, dans un hôpital pédiatrique, et en masse »."

    "Une tragédie limitée dans l'ordre des choses"... L'Europe veut dire : poussière et seringues... Rien que du connu... Rien que du démontré par un quelconque Montagnier... Pas de quoi en faire une maladie.

    Objectivement, donc, rien à signaler... Subjectivement, ça peut faire mal... Mais enfin, dans "l'ordre des choses", pas de quoi fouetter un chat. Monsieur Pierini est sans doute un brave homme... Il va savoir faire semblant... pour ne pas heurter la méchante dictature libyenne...

    Rétrospectivement, l'Axel a rédigé la feuille de route de cette entreprise à caractère strictement humanitaire :
    "L’une des clés du dénouement de cette affaire réside dans le fait que l’Union européenne a compris qu’il fallait se tenir auprès des familles des victimes – cette présence valant symboliquement reconnaissance du dol subi – , qu’il fallait que les enfants bénéficient de soins et qu’elles-mêmes reçoivent un dédommagement."

    "Le dol subi " ?... Nous nous surprenons à sursauter... Que se passe-t-il, mon pauvre Axel ? Quel est donc ce vilain mot que tu viens d'échapper comme on échapperait un vieux dentier ?

    Dans le Dictionnaire du droit privé de Serge Braudo, nous lisons cette définition :
    "On dénomme dol, l'ensemble des agissements trompeurs ayant entraîné le consentement qu'une des parties à un contrat n'aurait pas donné, si elle n'avait pas été l'objet de ces manoeuvres."
    Par conséquent, la "présence" de l'"Union européenne" valait "symboliquement reconnaissance du dol subi "... par qui ? Par les "familles des victimes ". Et du fait de qui ?... Du pape ? des mouches ? de la poussière ? des seringues ? Mais, alors, que venait faire là l'Union européenne ?

    Pour répondre à cette question, il suffit de lire la phrase d'Axel Poniatowski telle qu'elle est : c'est bien l'Union européenne qui fait amende honorable. À quel propos ? À propos d'un dol qu'elle a exercé sur les familles, c'est-à-dire "l'ensemble des agissements trompeurs ayant entraîné le consentement qu'une des parties à un contrat n'aurait pas donné, si elle n'avait pas été l'objet de ces manoeuvres". À quoi les familles libyennes ont-elles donné leur consentement, et le gouvernement libyen avec elles ? Au fait que les condamnés, infirmières et médecin, aillent effectuer leur peine en Bulgarie plutôt qu'en Libye, contre une indemnité très conséquente versée à chacun des enfants contaminés.

    Quant la manoeuvre, elle a consisté dans le fait qu'ensuite les responsables européens avaient décidé d'agir comme si les Libyens avaient proclamé, à travers leur sortie de Libye, l'innocence des condamné(e)s. Leur mise en liberté immédiate en était une éclatante confirmation.

    Voilà donc le sens qu'il convient d'accorder au titre choisi ici par Axel Poniatowski : " l’implication de l’Union européenne".

    Sans du tout apercevoir comment il s'est trahi, Axel Poniatowski croit pousser plus loin son avantage en abordant ce qu'il prétend être le versant politique de cette affaire, tel que le pouvoir libyen l'a concocté :
    "[...] non contente de se servir des infirmières et du médecin comme boucs émissaires pour régler la situation sur le plan intérieur, la Libye a ensuite usé de leur détention pour en retirer des bénéfices politiques sur le plan international."

    Ce que nous pouvons maintenant retourner directement contre l'Europe qui "non contente...", "a ensuite usé de leur détention pour en retirer les bénéfices politiques sur le plan international ".

    En effet, l'Europe n'a pensé que tardivement à une possible intervention en faveur d'un personnel médical dont elle a très longtemps continué à ne rien savoir, et peut-être à ne rien vouloir savoir. Ce n'est qu'alors qu'elle a tenté de tout bidouiller à son avantage.

    Ici encore, le sieur Poniatowski offre toutes les verges qu'il faut à qui voudrait soumettre l'Europe à une fessée magistrale au su et au vu du monde entier :
    "L’Union européenne, comme de nombreux pays, n’a pas immédiatement pris la mesure de la souffrance et de l’injustice endurées par les infirmières et le médecin."

    Ainsi, "il faudra attendre le 3 septembre 2003, avec la déposition des professeurs Luc Montagnier et Vittorio Colizzi, lors du second procès, pour que cette affaire commence à être portée à la connaissance du public."

    Quant à "la Bulgarie. C’est en décembre 1999 que ce pays a ouvert des négociations d’adhésion à l’Union européenne, qui se sont déroulées de février 2000 à juin 2004. Le traité d’adhésion a été signé le 25 avril 2005. La Bulgarie n’était pas membre de l’Union européenne pendant la plus grande partie de cette affaire, et n’a pu bénéficier pleinement avant 2004 de l’aide de ses partenaires européens".

    Et c'est à ce moment-là que les épousailles de la Bulgarie et de l'Union européenne sont devenues la grande affaire de la diplomatie européenne... sanctifiée par la libération des malheureuses victimes de la barbarie libyenne. Alleluia !

(référence permanente à propos de la Libye de Muammar Gaddhafi : http://www.francoisepetitdemange.sitew.fr)

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