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Michel J. Cuny

Ecrivain-éditeur professionnel indépendant depuis 1976. Compagnon de Françoise Petitdemange, elle-même écrivaine-éditrice professionnelle indépendante depuis 1981.

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Billet de blog 12 novembre 2014

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Faussaires de l'économie - 8 : Quand le travail de production glisse doucement vers les oubliettes

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ainsi, selon David Ricardo, en fixant le prix de marché des produits du travail, la loi de l'offre et de la demande ne joue qu'un rôle d'écume par-delà la mer des prix réels ou naturels exprimant la quantité de travail incluse en eux. Elle n'est donc pas rien non plus.

Ce qui ne suffira toutefois pas à nous réconcilier avec les positions prises par Thomas Piketty. Mais ce n'est pas non plus parce qu'il a oublié de tenir compte de l'essentiel, que nous pouvons nous dispenser, nous, de songer à l'accessoire qu'il lui a substitué avec la trop célèbre loi de l'offre et de la demande : les prix de marché sont, en fait, les seuls prix que nous connaissions dans la vie quotidienne. Et tout spécialement s'il faut passer sous silence l'exploitation de l'être humain par l'être humain, et en rester à la répartition du gâteau, dans un monde où tant de gens meurent de faim.

Avouons-le tout de suite : ce n'est pas non plus ce qui inquiète David Ricardo. Mais ce n'est pas non plus qu'il veuille à tout prix ne pas voir les conséquences de la compréhension qu'il croit avoir de la réalité du processus de base en mode capitaliste de production : la quantité de travail comme seul et unique déterminant de la valeur économique réelle et naturelle, ou encore, de la valeur d'échange, puisque c'est elle qui règle fondamentalement les quantités respectives selon lesquelles les différentes marchandises s'échangent entre elles, même si en permanence et pour nous, le rapport de l'offre et de la demande vient ajouter l'écume produite par la rareté locale et/ou momentanée.

Voyons où cela mène le brave Ricardo :

"Si la quantité de travail matérialisée dans la fabrication des marchandises règle leur valeur d'échange, toute augmentation de la quantité de travail doit nécessairement accroître la valeur de la marchandise à laquelle elle s'applique ; et toute diminution de cette quantité doit en réduire la valeur." (page 53)

Ici, vient donc d'être introduite la question de la productivité du travail...

À partir des instruments d'analyse dont il s'est doté, David Ricardo s'autorise alors à prendre cette question sous un angle qui permet de faire souffler le vent d'un certain progrès économique :

"L'emploi des machines et d'autres instruments de capital fixe et durable modifie considérablement le principe selon lequel la quantité de travail consacrée à la production des marchandises règle leur valeur relative." (page 68)

Rappelons que, pour lui, les machines sont elles-mêmes le produit d'une quantité donnée de travail mort qui va venir s'ajouter, par morceaux - et au fur et à mesure de leur utilisation - aux quantités de travail vivant qui interviennent dans la dernière phase de production pour fixer la valeur d'échange, naturelle, réelle...

Mais il y a machine et machine, et il y a aussi (et encore) travail sans machine ou presque... D'où une diversité des temps de travail (tout compris) nécessaire pour produire des objets relativement comparables dans ce qu'ils sont... mais qui sont aussi très différents du point de vue de la quantité de travail qu'ils emportent avec eux, et donc très différents du point de vue de leur valeur d'échange, naturelle, réelle... Or, du fait de la loi de l'offre et de la demande, c'est-à-dire du fait de leur concurrence sur le marché, ils devront se ranger peu à peu (et quoi qu'il en coûte à ceux qui valent plus cher en termes de travail incorporé) derrière un même prix de marché.

C'est ici que Thomas Piketty triomphe.

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