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Michel J. Cuny

Ecrivain-éditeur professionnel indépendant depuis 1976. Compagnon de Françoise Petitdemange, elle-même écrivaine-éditrice professionnelle indépendante depuis 1981.

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Billet de blog 13 novembre 2014

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Faussaires de l'économie - 10 : La rente, c'est donc là où se coince la bulle

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pour nous avancer sur le délicat terrain de la rente, armons-nous de la présentation que David Ricardo a bien voulu en donner :

"La rente est cette part du produit de la terre payée au propriétaire foncier pour l'usage des facultés productives originelles et indestructibles du sol." (page 88)

Part payée par qui ? Par le fermier, qui, de son côté, emploie des travailleurs agricoles, et utilise non seulement la terre qu'il loue auprès du propriétaire, mais les bâtiments et les outils qui vont avec. De la vente des produits de la ferme, il déduira la rémunération du personnel qu'il emploie, l'usure des bâtiments et des outils, le montant des loyers dus au propriétaire, les divers impôts : le voici en présence de son profit. Rien qui, jusqu'ici, différencie le fermier d'un entrepreneur de l'industrie. Point de rente. C'est-à-dire - dans le langage de David Ricardo : point de rémunération pour l'usage des facultés productives originelles et indestructibles du sol.

C'est que nous avons feint d'oublier quelque chose. D'une certaine façon, la nature, ça marche tout seul. Certes, le travail agricole est rude. Mais la nature elle-même n'est pas avare de quelques miracles : pour peu qu'il y ait des pommiers, il y aura bientôt des pommes ; pour peu que, dans un sol adéquat, on plante une autre variété de pommes, il n'y aura bientôt plus qu'à se baisser et fouiller la terre elle-même pour en dégager ces mêmes pommes de terre dans une quantité "extraordinairement" plus grande.

Un peu de travail (laisser quelques pépins de pomme ici ; quelques pommes de terre enfouies  là), un peu de patience... Et le tour est joué ! Voilà donc ce qui serait constitutif de la rente.

Pour qui est propriétaire du sol...

Mais revoici David Ricardo :

"Il reste cependant à examiner si l'appropriation de la terre et la création de la rente qui en découle, ne feront pas varier la valeur relative des marchandises indépendamment de la quantité de travail nécessaire à leur production." (page 89)

S'il faut en croire le début de cette phrase, la rente serait la conséquence directe de l'appropriation de la terre, c'est-à-dire de l'appropriation privée de cet outil de production qu'est (semble-t-il) la nature, ou un petit coin de celle-ci. Cependant que la seconde partie introduit un petit quelque chose auquel David Ricardo tient beaucoup, mais qui prend ici une figure un peu étrange : le travail de production.

Effectivement, la nature, c'est tout uniment : "facultés productives originelles et indestructibles du sol". Cela travaille... Dieu ou divinités divisées, cela travaille... pour le propriétaire. Qu'il loue sa parcelle à un quelconque fermier tout occupé, lui, à louer les bras des cueilleurs de pommes et autres arracheurs de pommes de terre, et voici que la rente due aux "facultés productives originelles et indestructibles du sol" lui tombe dans la poche (rente absolue).

Plus seront grandes ces miraculeuses "facultés" par rapport à celles dont bénéficieront les terres appartenant à des propriétaires moins chanceux que lui, et plus sa rente sera considérable (rente absolue, plus rente différentielle)...

Mais peut-on dire, pour autant, que Dieu ou les divinités divisées "travaillent" pour les propriétaires terriens ? C'est ici que Ricardo entre en contradiction avec lui-même. Puisque voici une production qui ne prendrait pas sa valeur économique dans un temps de travail (humain). Est-ce possible ?

(Pour se divertir avec un prix Nobel d'économie, voir : micheljcuny.canalblog.com)

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