Quand le business se déguise en promoteur exclusif des valeurs morales
Jusqu'à présent, le côté libyen de cette affaire des infirmières bulgares et du médecin palestinien a plutôt été pris sous l'angle de la dérision par le rapporteur Axel Poniatowski. Nous atteignons enfin un passage où il en va un peu autrement :
"Après avoir subi plusieurs revers diplomatiques, la Libye a cherché, à partir de l’an 2000, à revenir dans le concert des nations. Elle a ainsi participé à la libération d’otages occidentaux détenus aux Philippines par la guérilla islamiste. Il a néanmoins fallu attendre l’année 2003 pour constater le véritable début d’une détente des relations entre la Libye et les pays occidentaux. C’est en effet en août 2003 que la Libye a signé avec la Grande-Bretagne et les Etats-Unis un accord sur l’indemnisation des familles des victimes de l’attentat de Lockerbie, puis a contribué à la libération d’otages occidentaux au Sahara, avant d’accepter un accord sur l’indemnisation des familles françaises dont les proches avaient disparu lors de l’explosion criminelle du DC-10 d’UTA au-dessus du désert du Ténéré."
Ici, la Libye prend donc un tout autre visage. D'une certaine façon, elle se révèle à nos yeux. Et, par ailleurs, même si le rapporteur oublie de nous dire qu'elle avait été bombardée par les Anglo-Saxons dès un temps bien plus lointain que celui des explosions en vol au-dessus de Lockerbie ou du Ténéré, nous la voyons intervenir pour régler de réels problèmes d'otages... occidentaux.
Ce qui est tout de même plus que troublant..., quand on croit connaître le sanguinaire Kadhafi. De fait, l'ostracisation de celui-ci et de son pays était la réponse que les Anglo-Saxons avaient tout simplement décidé d'apporter aux mesures de décolonisation prises en Libye, dès leur arrivée au pouvoir en 1969, par les jeunes révolutionnaires libyens.
D'où la timidité des autres membres de ladite "communauté internationale". Axel Poniatowski nous en fournit aussitôt un exemple :
"Le retour de la Libye sur la scène internationale a été lent et graduel. Ainsi M. Marc Pierini, ambassadeur de l’Union européenne en Tunisie, avait été chargé en septembre 2002 de suivre la situation en Libye, mais n’était pas autorisé à s’y rendre, en raison de l’interprétation politique qui aurait accompagné un tel voyage. Seul un de ses collaborateurs, M. Xavier Marchal, a effectué une mission, du 11 au 17 mai 2003."
Pour mieux comprendre les enjeux sous-jacents à l'embargo décidé par le Conseil de Sécurité de l'ONU en 1992 contre la Libye, tournons-nous vers "La Libye révolutionnaire dans le monde (1969-2011)", à la page 346, sous le titre "Un rapprochement Europe-Afrique, avril 1998". Françoise Petitdemange écrit :
"Plus ou moins inféodés aux États-Unis, après les deux attentats de Lockerbie (Écosse), en 1988, et du Ténéré (Niger), en 1989, certains pays européens avaient laissé leurs liens avec la Libye s'effilocher. Mais, à partir de 1990, la Libye a fait de nombreux investissements dans les pays d'Europe, lesquels ont, par ailleurs, besoin de ses hydrocarbures : pétrole et gaz. Il vient donc un temps où les intérêts économiques passent devant les affaires qui paraissent montées de toutes pièces par les officines de la CIA dont les agents sont prêts à tout pour empêcher de vraies relations entre l'Europe et l'Afrique."
Axel Poniatowski en convient lui aussi :
"L’Union européenne et la Libye avaient de nombreuses raisons de reprendre des relations normales."
Mais voilà où le bât blesse, toujours selon lui :
"En raison des valeurs qui fondent son existence, l’Union européenne s’est rapidement trouvée confrontée à un dilemme, car il lui était difficile de normaliser ses relations avec un Etat qui violait aussi ouvertement les droits de l’Homme."
Il faudrait donc apporter la preuve que la Libye acceptait enfin de s'affilier aux... droits de l'Homme, ce qui serait toujours autant de gagné, aussi bien pour rassurer les populations occidentales intoxiquées par les constantes accusations portées contre la Libye et son guide, que pour amadouer les autorités anglo-saxonnes et surtout états-uniennes qui avaient organisé le grand jeu de la mise à l'écart de ce pays au détriment de certains intérêts de... l'Europe.
Nous comprenons déjà mieux la suite.
Axel peut donc maintenant nous dérouler tranquillement la manoeuvre. Laissons-le le faire de façon pleine et entière :
"C’est au cours de l’année 2004 que l’Union européenne a mis en place une stratégie cohérente, conciliant son souhait de normaliser ses relations avec la Libye et de libérer les prisonniers, en raison de deux événements :
La condamnation à mort, qui est prononcée le 6 mai par la Cour d’appel de Benghazi, alors que certaines démarches diplomatiques bilatérales avaient laissé espérer une autre issue. Il semble alors évident que le dossier devait être repris sur de nouvelles bases.
La levée de l’embargo militaire à l’encontre de la Libye qui est adoptée par le Conseil des ministres de l’Union européenne le 11 octobre. Les conclusions du Conseil permettent d’ouvrir officiellement les démarches de normalisation des relations entre l’Union européenne et la Libye, mais mentionnaient également la libération des prisonniers bulgares."
Encore fallait-il que les infirmières et le médecin puissent être proclamé(e)s totalement innocent(e)s de toutes les accusations qu'on leur avait opposées. C'est à quoi il a bien fallu atteler le Montagnier de service... Qui s'y est collé sans renâcler, à ce qu'il paraît.
(référence permanente à propos de la Libye de Muammar Gaddhafi : http://www.francoisepetitdemange.sitew.fr)