Reprenons la rente différentielle telle que David Ricardo nous l'a d'abord présentée :
"[...] la rente est toujours la différence entre les produits bruts obtenus par l'emploi de deux quantités égales de capital et de travail." (page 93)
D'où vient la différence ?... De la diversité des fertilités naturelles, c'est-à-dire de ce qu'ailleurs le même Ricardo appelait les "facultés productives originelles et indestructibles du sol".
Du point de vue de leur valeur économique, ou réelle, ou naturelle, les produits agricoles issus de "quantités égales de capital et de travail", mais diversifiés dans leur quantité en raison du différentiel de productivité lié aux caractérisques naturelles des sols, seront équivalents. Ceux dont la quantité est naturellement plus élevée fourniront un prix total de marché plus élevé que le prix total de marché de ceux que la nature aura offerts en moindre quantité.
La même valeur économique sera donc sous-jacente à des prix totaux de marché différents, selon la provenance de tel ou tel produit agricole. Cette différence de prix constitue la rente différentielle. Qui la paie avec son travail ? Le consommateur, quel qu'il soit. Qui la récupère sans avoir fourni l'équivalent en termes de travail ? Le propriétaire du sol, après qu'elle ait été collectée par son fermier.
Les différences naturelles de fertilité peuvent être accentuées par le travail humain : dans ce cas, il s'agit d'améliorations que la nature s'approprie et pérennise, sans plus avoir besoin d'une répétition de ce même travail humain. Une rente différentielle supplémentaire apparaît.
Par ailleurs, et cette fois-ci comme dans l'industrie, le système de travail peut devenir plus efficace. Des quantités identiques de travail auront de meilleurs résultats. La valeur économique, réelle, naturelle de chaque produit agricole diminuera, bientôt suivie par une baisse de son prix de marché. Ici, aucune rente supplémentaire ne peut apparaître.
David Ricardo en fournit un exemple chiffré :
"Si quatre-vingts hommes, au lieu de cent, suffisaient désormais pour cultiver le blé, sa valeur baisserait de 20 pour cent [...]" (page 74)
Cependant l'ensemble du processus tient à une condition que le même auteur nous indique aussitôt :
"Les améliorations dans l'agriculture, comme la plus grande fertilité, donneront à la terre la capacité de faire naître une rente plus élevée dans une période future, parce qu'au même prix, la quantité de nourriture produite sera plus grande. Mais, tant que la population ne croît pas dans la même proportion, la quantité supplémentaire de nourriture ne sera pas nécessaire : la rente n'augmentera donc pas, mais elle diminuera." (page 424)
La rente agricole repose en effet sur une différence qui intervient entre des produits naturels par ailleurs identiques du point de vue de la quantité de travail qu'ils incorporent. C'est en quelque sorte la résistance de la nature qui, en interdisant à sa fertilité de croître aussi rapidement que ne croît la productivité du travail dans le domaine industriel, freine la différenciation quantitative à l'intérieur d'une série de produits agricoles identiques en quantité de travail incorporée, et doit compter sur une croissance quantitative extérieure pour produire de nouveaux effets à partir de sa différenciation intérieure.
Croissance de la population... Mais de quelle population plus particulièrement ? C'est à quoi David Ricardo nous invite, ensuite, à réfléchir.