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Michel J. Cuny

Ecrivain-éditeur professionnel indépendant depuis 1976. Compagnon de Françoise Petitdemange, elle-même écrivaine-éditrice professionnelle indépendante depuis 1981.

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Billet de blog 15 novembre 2014

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Faussaires de l'économie - 13 : Ces morts de faim qui garantissent l'équilibre idéal du taux de profit

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Chez David Ricardo, la population ouvrière se caractérise par ceci qu'elle doit obtenir, en échange d'une certaine quantité de travail - fondatrice de la valeur économique, naturelle, réelle de ce qu'elle produit - un salaire lui permettant d'accéder aux moyens de s'assurer le minimum vital, c'est-à-dire, pour l'essentiel, les produits de l'agriculture.

La production agricole est donc le point d'ancrage, à travers l'alimentation ouvrière, des conditions matérielles de survie des producteurs immédiats des quantités de travail attendues, et de la fixation de la valeur économique, naturelle et réelle irriguant l'ensemble du système économique d'une société capitaliste donnée.

Les spécificités qui résultent, pour l'agriculture, de l'appropriation privée du sol par certains, et de la fertilité différenciée des sols, engendrent, au coeur de cette société, une rente dédoublée : absolue et différentielle.

La rente différentielle - pour ne retenir qu'elle ici - est tirée vers le haut sitôt que la croissance de la population en général contraint à mettre en oeuvre l'exploitation de terrains de moins en moins fertiles pour assurer l'alimentation de toutes et de tous. La croissance de la population ouvrière (agricole et industrielle) est d'autant plus importante ici qu'elle est quantitativement dominante, et que les salaires qu'elle reçoit doivent lui permettre d'atteindre ce qui lui est nécessaire pour survivre avec cette conséquence imparable que, si la rente différentielle augmente, le salaire doit immédiatement augmenter d'autant... Au détriment de qui ? Sera-ce un simple phénomène de "répartition" ?

La réponse de David Ricardo est sans ambiguïté :

"[...] si les salaires augmentaient, parce que les travailleurs sont plus généreusement rémunérés, ou parce qu'il devient difficile de se procurer les biens nécessaires dans lesquels les salaires sont dépensés, il n'y aura pas, sauf dans certains cas, de hausse de prix, mais les profits seront considérablement réduits." (page 85)

La rigueur du phénomène est plus perceptible encore quand le même Ricardo met la rémunération ouvrière en lien avec les objets produits, c'est-à-dire avec ce qui forme la valeur économique, naturelle, réelle, produite :

"Il ne peut y avoir augmentation de la valeur du travail sans diminution des profits. Si le fermier et l'ouvrier agricole se partagent le blé, plus la part revenant à l'ouvrier est grande, moins il en reste pour le fermier. De même, si l'ouvrier et le manufacturier se partage le drap ou les cotonnades, plus l'ouvrier en reçoit, moins il en reste pour son employeur." (page 73)

Il ne peut donc en aucun cas s'agir d'une répartition, puisqu'il y a une asymétrie criante entre, d'une part, ce travail, seul producteur de la valeur économique, réelle, naturelle, le respect nécessaire mais sans plus de ses conditions naturelles, et donc obligatoires, de survie (physique, psychologique, intellectuelle), et d'autre part les titulaires d'un profit immédiatement intéressés à ce que la consommation des producteurs soit enfermée dans les limites que fixe le système d'exploitation lui-même.

Or, aujourd'hui encore, et comme le rapport annuel de l'OCDE (2009, page 64) s'amuse à nous le dire de façon tout à fait espiègle :

"LE SAVIEZ-VOUS ? Les dépenses alimentaires représentent plus de 50 % du revenu des ménages dans les pays à faible revenu, de sorte que la baisse des prix des produits alimentaires agit directement sur la réduction de la pauvreté et l’atténuation de la faim."

C'est effectivement le socle de la valeur économique qui est ainsi fixé en mode capitaliste de production : il dépend très directement d'un minimum vital tout ce qu'il y a de plus réel, en ce qu'il doit se vérifier en permanence à travers le destin tragique de celles et de ceux que la nécessité économique laisse glisser dans la tombe. Voilà qui garantit que le profit mondial est bien à son plus haut niveau possible.

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