En route vers la libération de la France, par les ondes
À l’approche de Noël, le très catholique Charles ne peut bien sûr pas se permettre de se louper : nous nous attendons donc au pire… Nous sommes le 23 décembre 1940, et De Gaulle concentre son attention sur le 1er janvier prochain.
Cette fois-ci, il va s’agir d’un télégramme adressé à tous les comités nationaux et aux représentants de la France libre, ce qui représente une extension géographique considérable : Europe, Afrique, Amérique, Océanie… Qu’a-t-il à dire à tant de monde, ce message en style télégraphique ? Ceci :
"Pour permettre à immense majorité des Français qui sont de cœur avec nous de protester contre politique de capitulation Vichy sans exposer à représailles invite tous les Français à rester dans leurs maisons le premier janvier de 14 heures à 15 heures. Je leur demande passer cette heure à méditer sur malheurs patrie et à communier avec nous dans espoir de sa libération. Afin associer Français de votre groupement à cette manifestation union patriotique vous prie leur demander observer même règle à même date et durant même temps heure locale. Donner la plus grande publicité à cette manifestation à partir du 23 décembre." (Idem, page 207)
Voilà donc pour la version internationale. Elle est follement catholique : contrition, communion, espoir tourné vers l’homme de Dakar… Tout un programme.
Mais voici maintenant la version plus particulièrement destinée à la terre de France. Elle sera transmise sur les ondes de la BBC dès le 23 décembre elle aussi :
"Le 1er janvier, de 14 heures à 15 heures dans la France non occupée et de 15 heures à 16 heures dans la France occupée, tous les Français demeureront dans leurs maisons ou dans les locaux clôturés. Tous les Français se tiendront, soit seuls, soit entre parents ou amis, à l’intérieur et portes fermées. Pendant cette heure de recueillement, tous ensemble penseront à la libération. Ce sera l’heure d’espérance." (Discours et messages, Plon 1970, page 51)
On reconnaît bien le militaire avec ses futurs d’injonction ! Ce n’est plus Dakar, et c’est pourtant encore Dakar. Notre brave général ne paraît connaître que cela…
Quant aux conditions à remplir, l’hiver, en début d’après-midi d’un jour férié… Tout le monde doit pouvoir penser que tout le monde l’a fait, quand personne ou à peu près n’a su qu’il fallait le faire… D’où ce joli discours que le toujours véridique Charles de Gaulle s’est risqué à prononcer dès le 9 janvier 1941 au Foyle’s Literary Luncheon de Londres :
"Il faut savoir que le 1er janvier dernier, sur notre simple deman-de, l’immense majorité des Français en territoire occupé et en territoire non occupé ont participé à une grandiose manifestation. Pendant une heure – l’heure d’espérance – les Français ont laissé vides les rues des villes et des villages – où ne passaient plus que les ennemis – et se sont retirés dans leurs maisons pour y penser tous ensemble à la Patrie et à la Victoire." (Discours, page 59)
Et pourquoi ne pas enfoncer le clou auprès des Françaises et des Français qui auraient manqué ce premier épisode bien fumeux qui a au moins le mérite, à nos yeux quelque peu dessillés en ce qui concerne De Gaulle, de n’avoir semble-t-il, pas fait de morts, lui. En tout cas, voici le Général - tout ce qu’il y a de plus napoléonien - au micro de la BBC le 23 janvier 1941 :
"Par l’immense plébiscite silencieux du 1er janvier dernier, la France a fait connaître au monde ce qu’elle veut et ce qu’elle croit. La France a fait connaître au monde qu’elle se tient pour l’avant-garde, provisoirement défaite mais nullement réduite, du parti de la liberté." (Idem, page 62)
Eh oui ! le plébiscite, c’était pour lui, braves gens ! C’est lui qui vient, en personne, vous le dire.