Indemniser, tout en indemnisant sans indemniser
Axel Poniatowski aura fait beaucoup de sport à cette occasion, et nous avec lui…
C’est qu’avec lui, nous sommes engagé(e)s dans une tentative désespérée de battre le record du monde du 100 mètres. Comme cela nous a été dit précédemment (rappelons que nous sommes en 2007) :
"Le Haut conseil allait se réunir le 16 juillet pour commuer la peine de mort en réclusion criminelle à perpétuité, en cas de pardon des familles."
Pas d’indemnisation… pas de pardon...
Or, dès le lendemain, le record du monde était battu :
"Le 15 juillet, le Fonds international de Benghazi emprunte 460 millions de dollars au Fonds libyen de développement économique et social, organe de l’Etat libyen. Juridiquement, il s’agissait d’un accord entre deux entités libyennes, le Fonds de Benghazi étant une organisation non gouvernementale (ONG) de droit libyen. L’accord stipulait que les remboursements interviendraient au fur et à mesure des contributions reçues par le Fonds international de Benghazi, sans limitation de temps."
D’un côté un record mondial de vitesse. De l’autre - et pour le garantir - un emprunt éventuellement ad vitam eternam… C’est beau, les sociétés-écrans.
Voici le détail des 100 mètres qui ont été effectivement parcourus :
"La somme, en provenance de la Banque centrale de Libye, a été versée sur le compte du Fonds international de Benghazi, ouvert à la Libyan Arab Foreign Bank. Les 15 et 16 juillet, M. Marc Pierini opère les paiements aux familles des victimes et recueille leurs lettres de pardon. Le 17 juillet, le Haut conseil libyen de la justice commue la peine de mort en réclusion à perpétuité."
À cette extrémité-là aussi, on le constate : c’est sans limitation de temps… Au moins, à l’instant où Axel s’exprime devant nous. Disons qu’il y a sans doute un second 100 mètres qui nous attend, mais le rapporteur, tout en nous préparant à cette seconde épreuve, nous invite à d’abord souffler un peu :
"Cette décision ouvrait la voie à la possibilité d’extrader les infirmières et le médecin, la Bulgarie et la Libye étant liées par un accord de justice datant de 1984. Les ambassadeurs de Bulgarie et de Grande-Bretagne, ainsi que M. Marc Pierini, rédigent et transmettent la demande d’extradition aux autorités libyennes entre le 17 et le 19 juillet. Votre rapporteur reviendra ultérieurement sur les derniers jours de cette affaire."
N’empêche, voilà bien 460 millions de dollars qui sont sortis du chapeau… en moins de 10 secondes. Axel Poniatowski nous convie aussitôt à réexaminer l’ensemble du processus, et à nous convaincre du fait que nous n’y avons vu effectivement que du feu :
"L’analyse des mouvements financiers sur le Fonds international de Benghazi ne laisse quasiment place à aucune interrogation sur l’idée de marchandage ou de rançon parfois évoquée dans les jours qui ont suivi la libération des infirmières. Le Fonds international de Benghazi, ONG libyenne, a emprunté à un organe de l’Etat libyen 460 millions de dollars et dispose de la faculté d’échelonner ses remboursements à son rythme, ce qui est rarissime en matière financière."
Tiens… "les jours qui ont suivi la libération des infirmières"… Serait-ce pas un nouveau chapeau ? Le second cent mètres concernerait-il la "libération" soudaine de personnes initialement condamnées par trois fois à mort ? De la perpétuité à l’instantanéité !
Quant à ce "rarissime en matière financière", il ne peut que nous mettre sur nos gardes : s’agirait-il d’une forme de dopage ? Ce record de vitesse du retournement de chapeau serait-il dû à quelque intraveineuse ?
Aussitôt, Axel fait tendre le bras, ou la fesse, à l’Union européenne et à la France. Où donc voyez-vous la moindre trace de piqûre ?
"Ni l’Union européenne, ni la France n’ont versé une quelconque somme au titre de l’indemnisation des familles. A ce jour, c’est de fait l’Etat libyen qui, via le Fonds libyen de développement, a avancé les fonds permettant l’indemnisation des familles des enfants victimes, sans aucune garantie de remboursement de cette somme."
Autrement dit : l’État libyen, ou s’est fait avoir, ou aura suffisamment bien manœuvré pour que les familles libyennes se fassent avoir…
Selon Axel, c’est la seconde réponse qui est la bonne :
"Comme l’a confirmé M. Marc Pierini lors de son audition, « le problème essentiel pour les autorités libyennes n’est pas d’être remboursé mais de pouvoir dire qu’il existe… une possibilité théorique et juridique de remboursement »."
Une possibilité "théorique"… C’est-à-dire plus ou moins fictive… Il y a donc un leurre… Serait-ce du Kadhafi pur jus ? Sans doute… Ce ne peut être ni français ni européen… C’est donc libyen.
En tout cas, quelques mois après la libération du personnel médical incriminé, et selon Axel Poniatowski :
"A la date du 17 décembre 2007, le Fonds international de Benghazi n’avait effectué aucun remboursement au Fonds libyen de développement économique et social."
N’y avait-il pas une porte dérobée ?...