Retour aux choses sérieuses : les croix de la Libération
Depuis qu’il a lancé sa grande opération des colifichets, Charles De Gaulle s’est en quelque sorte spécialisé dans la gestion de leur valeur. C’est ainsi que nous le retrouvons très affairé autour de cette grave question sur laquelle, depuis Londres, il ne manque pas d’attirer l’attention de celui que l’on peut alors considérer comme son principal collaborateur et confident, le général Catroux. Le télégramme est du 27 décembre 1940 :
"En ce qui concerne croix de Libération, je vous prie de nouveau m’envoyer ces propositions d’urgence. Ceci ne nous empêche pas de donner des croix de guerre. Mais vous concevez que les deux distinctions n’ont pas entièrement le même objet. D’autre part, croix de guerre malheureusement très démonétisée parce que Vichy en a distribué plus d’un million - je dis un million - après armistice et en a donné même des centaines sur Dakar et Gabon." (Lettres, page 209)
Au milieu des 203 morts et 393 blessés, serait-ce vraiment trop ?
N’étaient-ils pas assez Français, de ce côté-là ?
Le 24 janvier 1941, nouveau message au général Catroux :
"Je mets à votre disposition trente, je dis trente, nominations dans l’ordre de la Libération, croix vous seront envoyées. Veuillez me faire connaître télégraphiquement noms et grades des militaires auxquels ces nominations seront attribuées, étant entendu qu’ils sont nommés par chef des Français Libres." (Lettres, page 236)
Car si Catroux recommande l’homme, c’est De Gaulle qui octroie le bel objet. De Gaulle et lui seul, qu’on se le dise.
Le 26 janvier 1941, vient le tour du général de Larminat :
"Je mets à votre disposition dix, je dis dix, croix de Libération pour les officiers et les hommes qui ont pris part. Veuillez me télégraphier les noms. Les croix vous seront envoyées." (Lettres, page 237)
Installé à Brazzaville, De Gaulle continue son gentil petit trafic de décorations. Le 19 avril 1941, le voici d’ailleurs en rupture de stock. Vite un télégramme à René Pleven et au général Petit qui se trouvent à Londres :
"Où en sont les croix de la Libération ? Il faut que vous m’en envoyiez ici 300 par quelqu’un de sûr et par avion. Faire faire immédiatement à Londres des croix de guerre et des médailles militaires." (Lettres, page 304)