Michel J. Cuny (avatar)

Michel J. Cuny

Ecrivain-éditeur professionnel indépendant depuis 1976. Compagnon de Françoise Petitdemange, elle-même écrivaine-éditrice professionnelle indépendante depuis 1981.

Abonné·e de Mediapart

279 Billets

0 Édition

Billet de blog 19 mars 2015

Michel J. Cuny (avatar)

Michel J. Cuny

Ecrivain-éditeur professionnel indépendant depuis 1976. Compagnon de Françoise Petitdemange, elle-même écrivaine-éditrice professionnelle indépendante depuis 1981.

Abonné·e de Mediapart

Pourquoi et comment ils ont tué Muammar Gaddhafi - Série A - numéro 47

Michel J. Cuny (avatar)

Michel J. Cuny

Ecrivain-éditeur professionnel indépendant depuis 1976. Compagnon de Françoise Petitdemange, elle-même écrivaine-éditrice professionnelle indépendante depuis 1981.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

    Une petite affaire pour de grandes affaires

    Le nœud du jeu instauré autour de l’indemnisation des familles libyennes par l’Union européenne - indemnisation réputée impossible puisqu’elle reviendrait, pour celle-ci, à reconnaître une culpabilité, directe ou indirecte, dans l’épidémie de sida survenue en 1998 à l’hôpital de Benghazi - se résume, pour l’instant, à cette première formule utilisée par le rapporteur Axel Poniatowski :
    "A la date du 17 décembre 2007, le Fonds international de Benghazi n’avait effectué aucun remboursement au Fonds libyen de développement économique et social."

    Il faut immédiatement lui ajouter celle-ci qui lui succède presque aussitôt :
    "En application de ses statuts, le Fonds international de Benghazi devrait rembourser le Fonds libyen de développement économique et social de cette somme."

     L’effet de miroir se poursuit : "Je t’aime, moi non plus."

     Il paraît que ce n’est pas près de finir, puisque voici qu’Axel nous déclare :
    "Votre rapporteur reviendra dans l’analyse des conditions de la libération des infirmières et du médecin sur le rôle joué dans cet événement par la mise en place de cette solution d’indemnisation des familles ainsi que sur la volonté de l’Union européenne et de la Libye d’instaurer de nouvelles relations."

    Et il ne boude pas le plaisir que lui procure toute cette délicate manœuvre :
    "On se contentera ici de faire simplement observer d’une part, que la mise en place et l’acceptation du mécanisme précédemment décrit d’un prêt remboursable sans échéancier a été conçu et accepté dans un délai particulièrement bref de quelques jours à peine ; d’autre part, que les familles ont accepté une indemnisation totale à hauteur de 460 millions de dollars, bien inférieure à leurs revendications initiales."

    460 millions de dollars qui paraissent n’être qu’une ardoise laissée à la Libye… une Libye si riche qu’il n’y a pas lieu de la plaindre…
    "Convenons qu’une telle somme ne représente pas pour l’Etat libyen, s’il devait s’en acquitter in fine, un sacrifice financier. La solution d’une indemnisation des familles, si elle n’a pas joué le rôle déclencheur de la libération, n’en était pas moins indispensable. Cet aspect témoignait de la compassion accordée aux familles et aux enfants."

    Or, à demi-mots, l’aveu d’une indemnisation indirecte par l’Union européenne pointe à nouveau le bout du nez : elle n’aurait été que le fruit de la "compassion", et donc pas celui d’une culpabilité…
    Et la France dans tout cela ?

    Axel Poniatowski va nous fournir le détail de ses interventions.

    Tout d’abord, il tient à nous dire qu’elle n’était impliquée en rien dans la question posée par l’éventuelle culpabilité des infirmières et du médecin :
    "On relèvera que rien n’obligeait la France à se saisir d’une affaire qui ne concernait pas ses ressortissants. Rien, si ce n’est la tradition du gouvernement et de la société française à s’intéresser à la défense des droits de l’Homme et d’en faire un axe de notre diplomatie."

    Or, une chose paraît assurée :
    "En dehors de la Bulgarie, la France était le pays qui se mobilisait le plus en faveur des infirmières et du médecin, au travers de nombreuses associations."

    Comme nous le savons, l’implication de la Bulgarie aura été tardive et plus ou moins inutile. Mais la France, venue tard elle aussi, disposait du personnage idoine puisqu’il était de la même corporation que les principaux protagonistes :
    "La personnalité de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, et médecin de profession, explique évidemment l’intérêt de notre pays pour une affaire dans laquelle des personnels médicaux étaient injustement accusés d’un crime monstrueux."

    Ensuite nous retrouvons celui qui est devenu notre "tête de Turc" :
    "Il convient par ailleurs de ne pas oublier l’aide apportée dès 1999 par le professeur Montagnier et l’Institut Pasteur, ainsi que par son collègue italien M. Vittorio Colizzi, pour évaluer les causes de la pandémie à l’hôpital de Benghazi, identifier la souche du virus et apporter des soins aux enfants."

    Mais, au-delà de la question plus particulièrement médicale, il y a immédiatement la "grosse artillerie", et c’est vraiment le cas de le dire. Alex Poniatowski nous le dit :
    "L’action de la France, comme celle de l’Union européenne, s’est déroulée dans le cadre d’une reprise des relations avec la Libye, après la levée de l’embargo sur les ventes d’armes décidée par l’Union le 11 octobre 2004."

    Voici le fait essentiel, et qui pourrait éventuellement tout expliquer de l’étape "infirmières et médecin" :
    "À partir de cette date, l’Union européenne comme les Etats-Unis étaient favorables à la réinsertion de la Libye dans la communauté internationale. Les négociations en faveur de la libération des infirmières et du médecin se sont donc déroulées parallèlement à la discussion de contrats commerciaux dans les domaines des télécommunications, de l’aéronautique et de l’énergie électrique."

    On est un pays impérialiste... Ou on ne l'est pas.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.