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Michel J. Cuny

Ecrivain-éditeur professionnel indépendant depuis 1976. Compagnon de Françoise Petitdemange, elle-même écrivaine-éditrice professionnelle indépendante depuis 1981.

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Billet de blog 19 novembre 2014

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Faussaires de l'économie - 20 : Que la "répartition" basique s'opère toujours, ici ou là, à coups de fusils

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Mais si Thomas Piketty ne veut surtout pas entendre parler de l'U.R.S.S., il ne méconnaît pas certains des moments les plus aigus des luttes de classes. C'est d'ailleurs ce sur quoi ouvre le 1er chapitre de son livre, chapitre dont il nous aura auparavant signalé qu'il "présente les concepts de revenu national, de capital et de rapport capital/revenu, puis décrit les grandes lignes d'évolution de la répartition mondiale du revenu et de la production". (page 66)

Même si cette scène ne nous est pas vraiment présentée comme un moment remarquable de ce qui ne peut être, selon Thomas Piketty, qu'un problème de "répartition", elle ne manque pas de nous dire aussitôt tout ce qu'il faut penser du prétendu rapport capital/revenu : c'est une lutte à mort, tout simplement.

Voici comment, en mode capitaliste de production et d'échange, se fait, aujourd'hui encore, la part de celles et de ceux (et de leurs enfants) qui n'ont que le minimum vital et qui doivent parfois se battre à mort pour en faire respecter la mesure :

"Le 16 août 2012, la police sud-africaine intervient dans le conflit opposant les ouvriers de la mine de platine de Marikana, près de Johannesburg, aux propriétaires de l'exploitation, les actionnaires de la compagnie Lonmin, basée à Londres. Les forces de l'ordre tirent à balles réelles sur les grévistes. Bilan : trente-quatre morts parmi les mineurs. Comme souvent en pareil cas, le conflit social s'était focalisé sur la question salariale. Les mineurs demandaient que leur salaire passe de 500 euros par mois à 1 000 euros. Après le drame, la compagnie proposera finalement une augmentation de 75 euros par mois." (page 71)

Comme on le voit, le fameux partage, la fameuse répartition, se font ici à coups de fusils. Un peu comme un partage entre enfants qui se ferait à coups de bâtons, ou à coups de lance-pierres... juste parce qu'ils trouveraient que leur goûter ne va pas suffire à les maintenir en vie.

Apparemment que certains protagonistes ne risquent pas, eux, de recevoir du plomb, pas même dans les fesses, pour cette bonne raison qu'ils sont en Grande-Bretagne ou ailleurs dans le monde, et que, pour en rattraper même un seul, il faudrait courir très vite. Il est, par ailleurs, fort probable que, pour la plupart d'entre eux, ils n'ont jamais mis les pieds en Afrique du Sud. Et pourtant, ils sont propriétaires d'une part de la richesse de son sous-sol, et ils emploient les pauvres types que nous voyons mourir là, sur le lieu même de leur travail.

Comme on le constate aussi à l'occasion, ces mêmes propriétaires n'ont pas besoin, eux, de tenir le fusil : la police de l'Etat bourgeois et la légalité républicaine sont très exactement là pour ça.

Mais que c'est donc beau, la répartition ! (Car les survivants ont tout de même obtenu une augmentation de 75 euros par mois...)

Au surplus, il faut rendre grâce à Thomas Piketty de nous avoir bien indiqué, dès l'annonce anticipée du contenu de ce chapitre, que le capital s'assied sur le revenu ("rapport capital/revenu"). Ajoutons maintenant que cela peut conduire à enfoncer les salariés jusque sous terre... Et que la prétendue répartition - coups de fusil y compris - est, d'abord et avant tout, un phénomène mondial ("répartition mondiale")

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