Un pot aux roses longtemps dissimulé par le rapporteur de la Commission d'enquête
Revenant sur la première période des tortures, Axel Poniatowski apporte quelques précisions sur les changements de résidence selon les phases de déroulement du premier procès :
"Pendant la première année qui suit leur arrestation en 1999, les infirmières bulgares et le médecin palestinien sont détenus séparément dans des commissariats de police à Tripoli. Ils sont régulièrement transférés de nuit, d’un commissariat à l’autre, pour y être torturés. De 2000 à 2002, alors que s’ouvre le premier procès devant le Tribunal du peuple de Tripoli, ils sont emmenés dans une prison de Benghazi, à 1 000 km de la capitale, pour y subir des mauvais traitements et y être à nouveau torturés."
Ce qui peut étonner ici, c'est le côté répétitif et permanent de la soumission aux tortures : la première année ne suffit pas ; il faut tout reprendre dans les deux années qui suivent. Or, dès juin 2000, une plainte a été déposée par les infirmières contre ces mêmes tortures... De quand datent les aveux dont nous savons désormais qu'ils ont été faits par les inculpé(e)s ? De la première période ? De la seconde ? Des deux ? Quel en était le contenu ? S'est-il trouvé modifié avec le temps ?
Cela ne paraît pas intéresser le gentil Axel... À moins qu'il nous fasse des cachotteries.
Passons à la suite :
"À compter de février 2002, après que le Tribunal du Peuple de Tripoli a reconnu l’absence de preuve sur l’accusation d’atteinte à la sécurité de l’État et a renvoyé le dossier au parquet, les cinq infirmières, le médecin bulgare Dr Gueorguiev et le médecin palestinien sont tous placés par la Fondation Kadhafi dans une maison installée au milieu d’un commissariat à Tripoli et dotée d’un certain confort. Il leur est alors même permis de sortir pour faire des achats."
C'est ici seulement qu'apparaissent les éléments qui nous permettent de mieux comprendre en quoi consistait le non-lieu du 17 février 2002 : il a porté sur l'atteinte à la sécurité de l'État... D'où vient que nous ne connaissions rien du libellé de cette accusation ? Le Rapport lui-même a indiqué que Benghazi était un lieu de forte opposition à la Jamahiriya, et que les Américains agissaient dans sa proximité... Aurait-il été impossible au rapporteur de nous en dire plus ? Pourquoi des éléments aussi importants n'interviennent-ils que de façon éparse et en n'étant indiqués qu'à demi-mots ?
Laisser une telle liberté d'aller et de venir à des personnes que l'on a torturées pendant tant d'années pour obtenir des aveux, n'est-pas courir le risque qu'elles aillent se plaindre un peu partout en ville ?
Rappelons que nous nous en tenons ici à l'analyse interne du compte rendu des travaux de la Commission d'enquête, sans jamais chercher aucun élément d'information à l'extérieur. Ce qui revient à faire la part belle à tout ce qu'il peut receler de montages, d'approximations, d'omissions, etc. Le résultat est pourtant plus que troublant.
Voici la troisième phase :
"Lorsque le procès reprend en juillet 2003, cette fois devant la Cour criminelle de Benghazi, tous sont replacés en prison à Benghazi. Après que la Cour a condamné les infirmières et le médecin palestinien à la mort par peloton d’exécution, en mai 2004, leurs conditions d’incarcération se dégradent."
Ce qui peut vouloir dire qu'il n'y a plus de semi-liberté... Faut-il, de plus, imaginer que différentes exactions ont pu se produire ?
Nous arrivons alors à une sorte de résumé général, qui n'est qu'une suite d'affirmations courtes, séparées de tout élément d'explication :
"Condamnés sans aucune preuve et au mépris des éléments qui démontraient leur innocence, à la peine capitale, les infirmières bulgares et le médecin d’origine palestinienne ont été les victimes de procédures judiciaires partiales et indignes. Pendant près de dix mois, aucune charge n’a été signifiée aux détenus et leurs demandes répétées d’être assistés par un avocat ont été repoussées. Il était seulement permis aux infirmières bulgares de s’entretenir avec des représentants de leur ambassade à Tripoli."
Nous voyons que se trouvent mélangées des circonstances de provenance temporelle différentes et variées : le paragraphe commence par la fin, et paraît finir sur le début... Comment y repérer quoi que ce soit de logique ? De contrôlable ? De plausible ?
Et puis, soudainement, nous arrivons enfin à quelque chose d'un peu plus palpable, et dont nous aurions bien eu besoin depuis le début du Rapport pour comprendre quelque chose dans un univers où tout n'est toujours tourné que contre les autorités libyennes et contre le Tribunal du Peuple :
"Les trois chefs d’inculpation retenus sont d’une extrême gravité :
- l’atteinte à la sûreté de l’Etat libyen ;
- l’empoisonnement ;
- le meurtre avec préméditation.
Tous ces chefs d’inculpation sont passibles de la peine de mort. De surcroît, les ressortissants bulgares étaient également accusés :
- de relations sexuelles illicites ;
- de consommation de boissons alcoolisées (et de fabrication d’alcool pour l’une des infirmières) ;
- de trafic de devises étrangères."
Cela fait beaucoup. Et d'avance, nous imaginons la foule des détails qui ne pourront manquer d'accompagner une mise en cause pareillement diversifiée. Or, soudainement, nous comprenons déjà un peu mieux à qui nous avons affaire lorsque nous nous trouvons en face de ces cinq infirmières bulgares et du médecin palestinien. Notre soif d'en savoir plus devrait donc ravir ce cher Axel Poniatowki : nous allons boire ses futurs propos avec les plus grandes attention et délectation possibles.
(référence permanente à propos de la Libye de Muammar Gaddhafi : http://www.francoisepetitdemange.sitew.fr)