Après l'Afrique du Sud d'aujourd'hui, et un rapide passage sur la "répartition" malencontreuse des débuts de la révolution industrielle, Thomas Piketty se fraie peu à peu un chemin qui va le conduire jusqu'à une question très risquée... Elle nous fait tout à coup prendre peur pour lui. Voyons comment il y aboutit :
"En tout état de cause, ces événements tragiques de Marikana nous renvoient inévitablement à des violences plus anciennes. À Haymarket Square, à Chicago, le 1er mai 1886, puis de nouveau à Fourmies, dans le nord de la France, le 1er mai 1891, les forces de l'ordre avaient tiré mortellement sur des ouvriers en grève qui demandaient des augmentations de salaire. L'affrontement capital-travail appartient-il au passé ou bien sera-t-il l'une des clés du XXIème siècle ?" (page 72)
Grave question... Sauf si elle persiste à pouvoir être traitée en tant que problème de répartition. Auquel cas, il n'y aurait pas grand-chose à redouter pour les propriétaires des moyens de production (essentiellement la finance internationale). Pour l'instant, tout paraît montrer que c'est bien ce qui va se passer : la question de l'exploitation ne paraît pas devoir se reposer prochainement dans les grands pays capitalistes impérialistes.
Pour cette raison essentielle que la base de calcul de la valeur économique mondiale ne semble guère avoir de chances de se trouver réimplantée dans des enjeux de survie pour la population travailleuse occidentale... A moins que... Et le chômage plus que massif en est déjà un sérieux indice. Mais, enfin, la France a montré le chemin de l'évitement possible : il faut partir à la reconquête militaire et économique de l'Afrique, et ne surtout jamais perdre de vue... l'Algérie. Voilà ce que nous indique la boussole de l'impérialisme. Il y a un gros os, un peu plus loin... La Chine, mais, la Chine, c'est un peu plus que loin... Peut-être.
Raison supplémentaire pour tenir compte de ce que Thomas Piketty s'est mis en devoir de débusquer pour nous dans des termes que nous lui connaissons bien désormais, et qui devraient lui valoir de n'avoir que peu de problèmes avec les autorités (universitaires ou autres) de notre pays si démocratique :
"Dans les deux premières parties de ce livre, nous allons nous intéresser à la question du partage global du revenu national entre travail et capital, et à ses transformations depuis le XVIIIème siècle." (page 72)
Nous retrouvons aussitôt notre gâteau, "global", cette fois. Magnanime, Thomas Piketty... Bienvenue aux pique-assiettes de tout genre, qui n'auront donc pas eu à mettre la main à la pâte d'une exploitation qui n'existe certainement plus nulle part dans notre joli monde globalisé d'aujourd'hui.
Toutefois, bien qu'il nous ait dit et redit qu'il n'en voulait qu'à la répartition, Thomas Piketty a parfaitement compris qu'ici il se met en danger. Et à titre personnel, nous confierons qu'à lire son précédent ouvrage, nous avons un petit peu tremblé pour lui. Aussi, sans doute pour que ses primes d'assurance-survie dans le champ universitaire français n'atteignent pas très vite des sommes astronomiques relativement à sa rémunération ordinaire, il n'a pas tort de brutaliser un peu ses lectrices et lecteurs en leur déclarant à brûle-pourpoint :
"Que les choses soient bien claires : mon propos ici n'est pas d'instruire le procès des travailleurs contre les possédants, mais bien plutôt d'aider chacun à préciser sa pensée et à se faire une idée." (page 74)
Qu'il se rassure, nous sommes entre gens de bonne compagnie.