Petit jeu de cache-cache avec la démocratie
Voici donc Charles De Gaulle qui se lance dans un grand projet qui ne verra, d’ailleurs, jamais le jour. Il figure dans le télégramme qu’il envoie, du Caire, au professeur Cassin, à Londres, le 7 juillet 1941 :
"J’ai l’intention de convoquer, avant la fin de l’année, en territoire français [son Afrique équatoriale], un congrès des Français Libres, réunissant les représentants de toutes conditions et de tous âges des populations françaises de la partie de l’Empire déjà ralliée, des compagnies françaises adhérentes et de l’étranger. J’ai aussi l’intention d’y associer, pour certains membres, des représentants des populations indigènes." (Lettres, II, page 382)
Que faire d’une pareille assemblée, dont on devine qui en désignera les membres ? Va-t-elle élire des représentants permanents ? Décidera-t-elle des orientations que devra suivre le Conseil de défense de l’Empire ? Va-t-elle pouvoir mettre en cause la responsabilité du général De Gaulle lui-même ?
Bien sûr, le chef de la France Libre n’est pas démocrate jusqu’à ce point… Laissons-le s’expliquer jusqu’au bout :
"Le congrès aurait pour but : 1) de confirmer par une approbation formelle mon autorité et celle du Conseil de défense de l’Empire ; 2) de rapprocher nos compagnons épars dans le monde entier ; 3) de dégager une opinion nationale et impériale, non seulement quant à la guerre, mais quant à la rénovation du pays et de l’Empire." (Lettres II, pages 382-383)
Risqué, tout de même… Mais De Gaulle veille au grain :
"Les obstacles à éviter seraient, d’une part, la confusion et la surenchère des réunions publiques et, d’autre part, la vanité des académies [il veut dire : des spécialistes de domaines - le droit par exemple - qui ne lui sont pas familiers à lui et qui pourraient entraver sa marche de grand chef] : c’est là une question de programme, de choix des représentants et de conduite des travaux." (Lettres, II, page 383)