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Michel J. Cuny

Ecrivain-éditeur professionnel indépendant depuis 1976. Compagnon de Françoise Petitdemange, elle-même écrivaine-éditrice professionnelle indépendante depuis 1981.

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Billet de blog 24 décembre 2014

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De Gaulle et le gaullisme "historique" : ce cancer qui nous ronge (IV)

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    Quand le général Huntziger regardait passer les avions…

    C’était pour lui, sans doute, une guerre tout ce qu’il y a de plus buissonnière, et nous voyons qu’en présence du pire, il n’avait toujours rien perdu d’un sang-froid qui fait un peu… froid dans le dos, si jamais on n’y réfléchit rien qu’une seconde.

    Le rapport, donc, avait été remis au président du Conseil, Édouard Daladier, qui l’avait transmis, le 21 mars, "pour information et suite à donner", au généralissime Gamelin, qui se tourne le 1er avril vers le général Georges "pour éléments de réponse", et voici que la patate chaude arrive dans les mains du général Huntziger le 3 avril "en communication".

    Oui, oui, le général Huntziger est effectivement, à ce moment-là, le commandant en exercice de la zone qui inclut Sedan, et c'est bien lui qui conduira la délégation française qui ira plier l'échine devant Hitler dans le wagon de Rethondes. L'Histoire n'a pas distribué les rôles autrement.

    Alors, comment avait-il réagi début avril 1940, celui que De Gaulle accepterait de (voudrait ?) voir devenir généralissime de toutes les armées françaises en juin ?... Lisons ce que nous n’avons pas encore lu de ce rapport crucial :
    "Avant d'entrer dans le détail, signalons que la plupart des troupes visitées sont des régiments de formation B, que la DCA est à peu près inexistante, que l'aviation pour l'ensemble de l'armée est réduite à un appareil d'observation et à quelques appareils de chasse."

    "Les événements survenus en France", etc… op. cit., page 360)

    Ainsi, l'armée commandée par le général Huntziger, futur ministre de la Guerre du maréchal Pétain, n'est pas seulement à peu près invalide au sol, mais il se trouve que, dans les airs, elle est quasiment aveugle. En tout cas, elle n'y voit guère que d'un oeil, dirait-on.

    Mais c'est bien sûr sans rire que le rapport poursuit le récit de la partie engagée :
"L'aviation allemande se promène, en ce secteur, en liberté, photographie les moindres mouvements de terre et se réfugie en Belgique, terre d'asile, à la première apparition de nos chasseurs." (Idem, page 360)

    Or, le général Huntziger, loin de marquer la moindre inquiétude, répond tranquillement au rapport en évoquant fièrement les 8000 mètres cubes de béton déplacés pour ajouter à la sécurité de la France, et constate avec le plus grand calme que...
    "L'insuffisance relative de la DCA et de l'aviation pour s'opposer efficacement au survol de la IIème Armée par l'aviation ennemie est réelle. Mais c'est là une situation de fait que j'ai signalée à plusieurs occasions au commandement. Je ne dispose d'aucun moyen propre pour l'améliorer." (Idem, page 362)

Et d'ailleurs, très content de son sort et sans doute des belles journées d'un printemps aussi calme, il pense ne rien avoir à demander au-delà de ce qui lui permettra d'être au premier rang pour assister à la catastrophe :
"J'estime qu'il n'y a aucune mesure urgente à prendre pour le renforcement du secteur de Sedan, qui, ainsi qu'il est demandé, se poursuit, sous la direction du général-commandant le Xème Corps d'armée, avec énergie et avec tous les moyens en matériel et en personnel qui peuvent être mis en oeuvre." (Idem, page 362)

Le résultat de tout ceci, une fois le gros des armées françaises imprudemment avancé sur le sol de Belgique, c'est le très célèbre coup de faucille du général allemand Guderian : en 8 jours, de Sedan à l'embouchure de la Somme, la France a la gorge tranchée, et l'ennemi intérieur ne serait pas le seul à en payer le prix...

Une toute petite question avant d'aller plus loin : le général… Huntziger (ouf, nous avons eu un peu peur !) faisait-il lui aussi partie de la Cagoule?...

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