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Michel J. Cuny

Ecrivain-éditeur professionnel indépendant depuis 1976. Compagnon de Françoise Petitdemange, elle-même écrivaine-éditrice professionnelle indépendante depuis 1981.

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Billet de blog 25 janvier 2015

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Pourquoi et comment ils ont tué Muammar Gaddhafi - Série A - numéro 26

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

    Un coup de pied dans la taupinière : immédiatement 144 prix Nobel en sortent en courant !

    Le Rapport du grand professeur Montagnier ayant éclaté comme une bulle de savon en Libye, notre homme pense qu'il convient de se venger à l'occasion de sa venue devant la Commission d'enquête sur les conditions de libération des infirmières et du médecin bulgares détenus en Libye. Suivant la voix de son maître, dans l'ordinaire calcul de "probabilités" ("Je le jure! ") de celui-ci, le brave Axel Poniatowski nous donne une version plutôt édulcorée du travail des spécialistes libyens :
    "Un contre-rapport, communiqué à la commission d’enquête par le professeur Montagnier, est alors rapidement établi par cinq médecins libyens pour réfuter les conclusions du rapport Colizzi/Montagnier."

    À première vue, effectivement, les médecins libyens nous paraissent bien légers : leur contre-rapport aura été "rapidement établi ". Pour casser l'avis du patron de la Fondation mondiale pour la recherche et la prévention du sida, c'est effectivement plutôt discourtois...

    Mais que tentaient-ils de casser, au fait ? Quelques tubes à essai ? Pas nécessaire avec rien qu'un bavard qui avance à peu près n'importe quoi pourvu que ce soit "probablement probable et improbable par l'épreuve quelle qu'elle soit". Ainsi, selon Axel, qui ne veut pas le croire :
    "Cette étude relève qu’il n’y a pas de preuve suffisante de réutilisation de seringues dans des hôpitaux et estime que si de telles pratiques avaient eu lieu, la contamination aurait été plus importante encore."

    Qu'avait-on besoin d'un savant de la dimension du professeur Montagnier pour atteindre des explications d'une telle dimension : de probables réutilisations de seringues... Fallait-il réduire cette terrible affaire à une simple question de vieilles casseroles mal nettoyées ? Effectivement, avec de tels ustensiles, il y a de quoi ruiner tout un bataillon... Mais, de là à lui refiler le sida...

    Or, pour l'instant, nous sommes condamnés à croire qu'il n'y a pas eu - en dehors de cet argument de cuisine et d'un autre, d'arrière-cour, puisqu'il s'agissait d'un défaut manifeste d'hygiène - pour la science occidentale la plus pointue s'agissant du sida, quoi que ce soit à dire qui tienne un peu la route. Axel nous l'avoue bien bravement :
    "Le professeur Montagnier a confirmé ses conclusions au cours de son témoignage devant la commission d’enquête."

    Et le rapport de cette Commission n'a, jusqu'au point où nous sommes, rien trouvé de mieux à nous dire...

    À moins qu'ici, puisque le compère de l'autre s'y met à son tour :
    "Le professeur Colizzi soulignera, en vain, le caractère non scientifique de ce contre-rapport, dont les conclusions sont retenues par le Parquet libyen à l’encontre des infirmières et du médecin ; il écrira sans plus de succès au président de la Cour criminelle de Benghazi pour dénoncer la tentation de déplacer la responsabilité de l’infection nosocomiale des personnels de santé libyens vers les soignants étrangers."

    Pas étonnant, en face, c'est la dictature sanguinaire de Kadhafi qui tire les ficelles...

    N'empêche, ils sont au bout de leurs arguments très scientifiques, nos deux égarés des casseroles et de l'arrière-cour : ce n'est plus maintenant pour eux qu'une bataille entre deux corporations de soins : les Libyens et les étrangers.

    Réminiscence des batailles de polochons d'autrefois ?...

    Et tout à coup, les voici qui se fâchent, et qui en appellent à leurs grands frères par-delà la Manche, des gars qui manient très bien le tube à essai. La preuve ? C'est Axel Poniatowski, bon prince, qui rapporte cette manoeuvre d'une élégance rare :
    "En décembre 2006, la revue scientifique britannique Nature publie une nouvelle étude confortant les conclusions du rapport Colizzi/Montagnier. En examinant l’historique des mutations génétiques du virus trouvé dans les échantillons sanguins de quelques-uns des enfants de Benghazi, les auteurs de l’étude sont parvenus à démontrer que la source de l’infection se situait en 1994, bien avant l’arrivée des soignants étrangers à l’hôpital El-Fateh."

    En 2006 ! Déjà !...Il était temps de se réveiller, hé, les acrobates de la paillasse de laboratoire ! Ils ont même trouvé l'acte de naissance du virus !... Il ne leur restait qu'à trouver son acte de décès, et nous en aurions fini avec tous les virus du sida du monde !

    La suite montre bien que c'est sans doute cela... C'est un véritable triomphe ! Quel homme, ce Montagnier : il lui suffit de sonner quelques amis ! Non mais, voyez ce résultat, totalement improbable cinq minutes plus tôt :
    "La publication de ces travaux par une revue de référence connaît un très grand retentissement et déclenche une campagne de soutien au sein de la communauté scientifique en faveur de l’acquittement des accusés : 144 lauréats du prix Nobel signent une lettre ouverte au colonel Kadhafi, publiée par Nature, qui plaide pour un procès équitable basé sur des preuves scientifiques solides et des expertises scientifiques indépendantes."

    Tu vas voir qu'il ne tardera guère à le récupérer, le 145ème prix Nobel de la cohorte des copains et des coquins, le Montagnier !

    Malheureusement, le colonel Kadhafi ne savait sans doute pas lire... Il dictait, lui. Il n'était que dictateur.

    Ou plus banalement, disons qu'il n'était qu'un humain très humain, et qu'en cette qualité minime, il n'aimait pas trop qu'on se fiche de lui, tout prix Nobel qu'on soit !... Ce qui est d'un vrai sage, on l'admettra.

(référence permanente à propos de la Libye de Muammar Gaddhafi : http://www.francoisepetitdemange.sitew.fr)

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