Le général de Gaulle vous parle
18 juin 1940 : "Moi,Général De Gaulle, j’invite […]" (Discours et messages, Plon 1970, page 4)
19 juin 1940 : "[…] moi, Général De Gaulle, soldat et chef français,j’ai conscience de parler au nom de la France. Au nom de la France, je déclare formellement ce qui suit […]." (Idem, page 4)
Voilà donc que Charles De Gaulle aura prétendu s’identifier immédiatement à la France. Qu’est-ce à dire ? Ceci, par exemple, qui concerne ses tout premiers jours de présence à Londres et les quelques personnalités politiques qui s’y trouvaient :
"Beaucoup se firent rapatrier." (Mémoires de guerre - L’appel - 1940-1942, Plon 1954, page 83)
Et puis, après s’être plu à énumérer les explications plus ou moins crédibles qui lui sont données, De Gaulle en vient à ceci :
"Au contraire, M. Pierre Cot, bouleversé par les événements, m’adjurait de l’utiliser à n’importe quelle tâche, « même à balayer l’escalier ». Mais il était trop voyant pour que cela fût désirable." (Idem, page 84)
C’est donc la France qui, par la bouche de Charles de Gaulle, refuse d’associer à son sort l’un des héros du 6 février 1934, l’un des pires ennemis d’Adolf Hitler depuis le temps où il a travaillé à obtenir l’alliance de revers avec l’Union soviétique dont De Gaulle s’est toujours fait le défenseur, le ministre de l’Air du Front populaire enfin qui, avec son fidèle chef de cabinet, Jean Moulin, a été la cheville ouvrière de l’aide secrète aux républicains espagnols, contre la politique officielle de non-intervention par quoi Léon Blum a contribué si largement à disqualifier la politique étrangère de la France d’avant-guerre…
Suffisait-il donc de disposer, depuis quelques jours, d’un micro à la BBC pour oser se présenter comme le fondé de pouvoir d’une France qui allait faire le tri, comme cela ne s’était encore jamais produit dans son Histoire, entre les Françaises et les Français qu’elle accueillerait pour sa défense, et celles et ceux à qui elle opposerait son refus ?
La question ne pouvait que se poser immédiatement à l’homme par qui De Gaulle avait été introduit dans le coeur même de la politique britannique au beau milieu d’une guerre qui paraissait devoir s’étendre assez rapidement un peu partout dans le monde : Winston Churchill, le premier ministre de son pays d’accueil.