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Michel J. Cuny

Ecrivain-éditeur professionnel indépendant depuis 1976. Compagnon de Françoise Petitdemange, elle-même écrivaine-éditrice professionnelle indépendante depuis 1981.

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Billet de blog 26 novembre 2014

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Faussaires de l'économie -35 : Un temps de vie vendu sous le prix de la valeur économique qu'il va effectivement produire

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

En limitant notre attention à la richesse annuellement produite telle qu'elle apparaît dans le processus de circulation (vente sur un marché), puis - pour faire ressortir l'agrégat en quoi consiste le revenu national -, en soustrayant tout renvoi possible au capital fixe utilisé, Thomas Piketty masque les enjeux inhérents au processus de production. Il est alors possible de lui opposer ce que Karl Marx pouvait déjà opposer à Adam Smith, et à sa tendance à faire basculer la valeur économique produite du côté d'une simple addition de revenus tirés de la marchandise elle-même.

Le salaire se trouve effectivement correspondre à une partie de la valeur d'échange de la marchandise, mais, entre le moment où l'ouvrier a vendu sa force de travail pour un prix donné, et le moment où l'équivalent s'en trouve dans la marchandise enfin produite, il s'est passé quelque chose d'essentiel - le mystère de la transsubstantiation réalisée par le capital à lui tout seul - que Karl Marx nous présente ainsi :

"L'argent avec lequel le capitaliste paie la force de travail qu'il a achetée « lui sert comme capital », pour autant qu'il incorpore de la sorte la force de travail aux éléments matériels de son capital et rend celui-ci apte à fonctionner comme capital productif." (même référence, Le capital et le revenu chez Adam Smith)

Productif... de plus-value... et pas seulement de tel ou tel bien ou service... Cette dissociation est évidemment tout à fait essentielle... Pour en mesurer l'impact, poursuivons notre lecture :

"Il nous faut distinguer : entre les mains de l'ouvrier, la force de travail est de la marchandise, non du capital, et elle constitue pour lui du revenu aussi longtemps qu'il peut en recommencer constamment la vente [...]."

Notons-le aussitôt. Il s'agit de la seule marchandise dont l'ouvrier dispose dans la durée, pour rassembler les moyens d'assurer sa survie et celle de sa famille. D'où la nécessité pour lui de la vendre au meilleur prix : elle est toute sa fortune.

Or, comme nous l'avons vu, pour augmenter son salaire mensuel de 75 euros, il arrive qu'il faille, au mineur sud-africain, affronter directement les fusils de l'ordre bourgeois, et ramasser quelques cadavres... Par ailleurs, il est certain qu'il ne peut pas prétendre se mettre en concurrence avec ses employeurs pour exiger sa part (de gâteau ?) dans le prix de vente du platine. Cela ne le regarde pas : il n'a aucun droit de propriété sur les fruits de son propre travail... Par contre, s'il se met en tête d'occuper les locaux de l'entreprise et de s'y attarder un peu, c'est bien à coups de fusils que les "propriétaires" sauront faire valoir leurs droits, et c'est l'Etat bourgeois qui fera tout le sale boulot au nom de la loi...

Ainsi, avant ou après les coups de fusil, le montant du salaire se trouve fixé... Karl Marx peut enchaîner sur le sort si agréable de la force de travail :

"[...] ce n'est qu'après la vente qu'elle fonctionne comme capital entre les mains du capitaliste, au cours du processus de production."

Evidemment, si, à ce moment, le prix de vente de la force de travail a été fixé, le salaire, lui, n'a bien sûr pas encore été versé. Il ne le sera qu'après effectuation du temps de travail correspondant. C'est toujours autant de gagné pour l'employeur. Voilà pour les détails. Les choses sérieuses ne commencent qu'après : car, c'est bien du temps de vie qui a été vendu... Et largement en dessous de sa valeur au sens de la valeur économique que va produire la captation de ce même temps de vie par le capital.

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