Michel J. Cuny (avatar)

Michel J. Cuny

Ecrivain-éditeur professionnel indépendant depuis 1976. Compagnon de Françoise Petitdemange, elle-même écrivaine-éditrice professionnelle indépendante depuis 1981.

Abonné·e de Mediapart

279 Billets

0 Édition

Billet de blog 27 février 2015

Michel J. Cuny (avatar)

Michel J. Cuny

Ecrivain-éditeur professionnel indépendant depuis 1976. Compagnon de Françoise Petitdemange, elle-même écrivaine-éditrice professionnelle indépendante depuis 1981.

Abonné·e de Mediapart

De Gaulle et le gaullisme "historique" : ce cancer qui nous ronge (LI)

Michel J. Cuny (avatar)

Michel J. Cuny

Ecrivain-éditeur professionnel indépendant depuis 1976. Compagnon de Françoise Petitdemange, elle-même écrivaine-éditrice professionnelle indépendante depuis 1981.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

    Avant tout : garder les mains libres pour la grande affaire

    Le lendemain, peut-être un peu troublé par ses excès de la veille, De Gaulle revient vers René Cassin pour donner le coup de frein nécessaire :
    "Nous devons continuer à être prudents dans l’expression de notre position politique, malgré les inconvénients que cette demi-obscurité peut présenter actuellement pour nous aux États-Unis. Si nous proclamions simplement que nous nous battons pour la démocratie, nous obtiendrions peut-être des éloges provisoires du côté américain, mais nous perdrions beaucoup sur le tableau français qui est le principal." (Lettres, II, pages 384-385)

    Que comprendre ici ? Qu’il ne faut pas parler de démocratie aux Français ? Qu’il ne faut pas en parler devant certains soutiens de la France Libre, à l’intérieur du pays aussi bien qu’à l’extérieur ? Compte-t-on, ici ou là, sur De Gaulle pour autre chose que pour le rétablissement de la République après l’effondrement du gouvernement de Vichy, si admirable par ailleurs ?

    Sommes-nous mauvaise langue à tenir tel discours ? Pas sûr :
    "La masse française confond pour le moment le mot démocratie avec le régime parlementaire tel qu’il fonctionnait chez nous avant cette guerre. Nos propres partisans, quelle que soit leur origine politique, et surtout nos combattants en sont convaincus dans l’immense majorité. Ce régime est condamné par les faits et par l’opinion publique."

    Qu’en sait-il ? Qu’il ait son opinion est une chose… Faut-il pour autant qu’il la prête - ou qu’il l’impose, autant qu’il croit en avoir la possibilité - à l’ensemble du pays ?

    S’agit-il d’aller, comme Pierre Cot le redoutait, vers une dictature militaire à la Libération ? Vers cette même dictature qui avait si bien réussi à l’un des pires adversaires de Jean Moulin et de Pierre Cot à l’époque du Front populaire : le général Franco ?

    Voici donc comment Charles De Gaulle formule, pour René Cassin, sa position définitive sur la question de la liberté, qu’il préfère à celle qu’il juge douteuse de la démocratie :
    "C’est au peuple français qu’il appartient de décider de ses institutions et il ne peut le faire qu’en liberté et en sécurité. C’est-à-dire, une fois l’ennemi chassé de son sol et une fois détruite l’usurpation commise par les collaborateurs.
Rendre au peuple français cette liberté et cette sécurité, tel est notre but. Nous n’en avons pas d’autre. J’ai moi-même pris l’engagement solennel de soumettre tous mes actes à la représentation du peuple dès qu’il en existera une digne de ce nom." (Lettres, II, page 385)

    Voilà qui est fort joli. Et qui n’a qu’un seul tort, c’est d’être l’annonce d’une parfaite embrouille. Regardons-y de plus près…

    Le but : rendre cette liberté et cette sécurité ; ce qui consiste à chasser l’ennemi et à détruire l’usurpation. C’est tout. Dès ce moment, il y a liberté et sécurité… quel que soit le pouvoir qui se substituera à ces deux-là.

    Oui, dira-t-on, mais c’est au peuple français de décider de ses institutions… Certes, mais à une condition : disposer d’une représentation digne de ce nom… Qui donc en jugera, sinon De Gaulle lui-même, c’est-à-dire celui-là même qui pourrait avoir des comptes un peu louches à lui rendre…

    N’avons-nous pas vu que Charles De Gaulle refusera, à la Libération, de témoigner devant la Commission parlementaire chargée d’étudier les événements survenus en France entre 1933 et 1945, parce qu’il la disqualifiait d’avance, sans qu’il fût possible de lui opposer quoi que ce soit ?

    Et pourtant, qui mieux que lui aurait pu nous dire ce qui s’était réellement passé avec Jean Moulin ?...

(Sur ce dernier point, je renvoie à l'ouvrage "Fallait-il laisser mourir Jean Moulin ?" de Françoise Petitdemange et de moi-même, qui s'acquiert ici : http://www.livres-de-mjcuny-fpetitdemange.com/#accueil.A/s0c/Tous)

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.