Rien que chef de tous les Français libres… Tu parles !
Winston Churchill, qui ne s’est donc pas le moins du monde laissé embarquer par la manoeuvre plutôt grossière de De Gaulle, fait publier, le 28 juin 1940 le communiqué suivant :
"Le Gouvernement de Sa Majesté reconnaît le général De Gaulle comme chef de tous les Français libres, où qu’ils se trouvent, qui se rallient à lui pour la défense de la cause alliée." (Mémoires, I, page 374)
Or, le jour même, à la BBC, l’invité de Churchill n’hésite pas, et déclare :
"L’engagement que vient de prendre le Gouvernement britannique, en reconnaissant dans ma personne le Chef des Français Libres, a une grande importance et une profonde signification." (Discours et messages, Plon 1970, page 10)
Par exemple, ceci, qu’il en déduit avec une désinvolture qui confine à la dernière effronterie :
"Je prends sous mon autorité tous les Français qui demeurent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver." (Idem, page 10)
Par conséquent, alors que l’accord se limitait à ceux "qui se rallient à lui pour la défense de la cause alliée" désormais, selon lui, en Grande-Bretagne, tous les Français, quels qu’ils soient, et quelle que soit la raison pour laquelle ils s’y trouvent, sont à lui… et à lui seul… Rien que par sa personne, De Gaulle deviendrait ainsi un véritable Etat dans l'Etat britannique.
De même, donc, que Pierre Cot n’a pu que se réfugier aux États- Unis pour une rebuffade reçue de l’homme du 18 juin, voici comment se trouve réglé - si tant est que les autorités britanniques auront jamais accepté de se plier aux mesures dictatoriales que De Gaulle prétend imposer à ses propres concitoyens dans le pays de l’habeas corpus - le sort de ceux qui ne se rallient pas à lui. Il adresse le 8 août 1940 cette note au général Spears :
"Le général De Gaulle constate l’effet moral déplorable que produit sur ceux des volontaires français qui se trouvent à Londres, et en particulier sur ceux de l’Olympia, la présence des non-volontaires de White City qui circulent chaque jour en ville. Il demande que ces militaires, et en général tous les militaires français non volontaires, soient écartés immédiatement de Londres." (Lettres, juin 40 – juillet 41, Plon 1981, page 71)
C'est donc Charles De Gaulle qui dicte (ou qui croit pouvoir dicter) désormais aux Britanniques ce que l'ordre public doit être chez eux...