Michel J. Cuny (avatar)

Michel J. Cuny

Ecrivain-éditeur professionnel indépendant depuis 1976. Compagnon de Françoise Petitdemange, elle-même écrivaine-éditrice professionnelle indépendante depuis 1981.

Abonné·e de Mediapart

279 Billets

0 Édition

Billet de blog 28 mars 2015

Michel J. Cuny (avatar)

Michel J. Cuny

Ecrivain-éditeur professionnel indépendant depuis 1976. Compagnon de Françoise Petitdemange, elle-même écrivaine-éditrice professionnelle indépendante depuis 1981.

Abonné·e de Mediapart

Pourquoi et comment ils ont tué Muammar Gaddhafi - Série A - numéro 50

Michel J. Cuny (avatar)

Michel J. Cuny

Ecrivain-éditeur professionnel indépendant depuis 1976. Compagnon de Françoise Petitdemange, elle-même écrivaine-éditrice professionnelle indépendante depuis 1981.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

    Terrorisme premier : prétendre libérer son pays de l’étreinte des impérialismes occidentaux

     Décidé à faire le bilan de la politique extérieure de la Libye entre 1970 et 2000, le rapporteur de la Commission d’enquête, Axel Poniatowski, vient d’entamer avec nous l’analyse d’une première rubrique qu’il a intitulée :
    "Hostilité à l’Occident, accusé de soutenir Israël et d’empêcher la constitution d’un État palestinien".

    À l’intérieur de cette rubrique, il a aussitôt indiqué un phénomène qui est sans doute particulièrement grave : "à partir de 1977, le saccage de plusieurs ambassades à Tripoli, dont celle des États-Unis".

    Mais, en ce qui concerne Israël - élément important pour l’analyse puisque ce pays se trouve au beau milieu du titre -, ce petit malin d’Axel oublie de faire figurer un événement essentiel, qu’il nous a donné il y a maintenant suffisamment de temps pour que nous ayons pu l’oublier : "l’explosion, le 21 février 1973, d’un Boeing 727 de la Libyan Arab Airlines abattu par l’aviation israélienne au-dessus du Sinaï, causant la mort de 110 civils libyens."

    La chronologie serait donc plutôt : d’abord 110 civils libyens morts… puis "saccage" d’ambassades…

    Revenons sans transition à la belle chronologie établie par l’honnête Poniatowski :
    "Placée sur la liste des États terroristes par les États-Unis, frappée par un embargo commercial américain à partir de mars 1982, la Libye a tenté l’épreuve de force, mais a subi un lourd échec dans le Golfe de Syrte en mars 1986. Ce revers a été le point de départ du recours au terrorisme, avec l’attentat contre une discothèque de Berlin-Ouest fréquentée par les marines américains (5 avril 1986), auquel les États-Unis ont réagi en lançant le 15 avril un raid aérien sur Tripoli et Benghazi ; la Libye a répliqué avec l’explosion d’un Boeing de la Pan Am au-dessus de Lockerbie (décembre 1988). Les enquêtes ont toutes établi la responsabilité de la Libye, qui, à chaque fois, a utilisé la même tactique : la dénégation, avant d’accepter de négocier, puis de reconnaître sa responsabilité devant l’irréfutabilité des preuves."

    Si nous en restons à ce bel exposé, nous constatons qu’Israël ne paraît pas avoir été rangé parmi les États terroristes… Grand bien lui fasse… Et tant pis pour les 110 Libyens.

    Mais nous voyons que, du fait sans doute du saccage d’ambassades, la Libye y figure à juste titre… D’où l’embargo commercial… Ensuite, à la façon d’un bon "Laurel et Hardy", tout s’enchaîne.

    Prenons d’abord le côté occidental… Tout y est avéré : l’avion libyen abattu par l’aviation israélienne en 1973, l’embargo américain débutant en mars 1982, l’intervention dans le Golfe de Syrte en mars 1986, le raid aérien anglo-saxon sur Tripoli et Benghazi en avril de la même année… Nous pressentons même qu’il a dû y avoir quelques morts du côté libyen, mais peu importe sans doute.

    De même, croirait-on, du côté libyen : les faits seraient avérés… et ils cadreraient parfaitement avec une doctrine générale bien établie… En plus, comme Axel Poniatowski a complètement perdu de vue, pour sa part, les 110 premières victimes libyennes, il peut faire de la Libye l’initiatrice de l’ensemble des mauvais coups assénés ici ou là.

    Tout beau, bel ami, ce n’est pas ainsi qu’a commencé la petite affaire de la Libye révolutionnaire avec les délicieuses puissances occidentales.

    Ouvrons "La Libye révolutionnaire dans le monde (1969-2011)" de Françoise Petitdemange à la page 49 où nous découvrons cet intitulé qui est tout un programme : "Les Anglo-Saxons doivent se préparer à plier bagages…" La scène s’ouvre en janvier 1970, quatre mois après le renversement de la monarchie du roi Idriss 1er, et trois ans avant la destruction de l’avion libyen par la chasse israélienne :
    "Un ajournement du départ étant sans espoir, le 12 janvier, les Britanniques commencent à mettre en application le plan d’évacuation, prévu par étapes, de leurs forces armées, en libérant un terrain d’entraînement militaire, annexe de la base d’El Adem, qu’ils remettent, officiellement, aux autorités libyennes. Le 22 janvier, les États-Uniens, à leur tour, remettent tout aussi officiellement, deux stations de télécommunications situées à Tadjoura, c’est-à-dire à quelques kilomètres seulement de leur base de Wheelus Field ; le 29, ils évacuent des bâtiments opérationnels de cette base qui se trouvent dorénavant à la disposition de l’Armée de l’air libyenne."

    On s’en doute, la manœuvre n’a pas fait plaisir à tout le monde…

    De sorte qu’Axel avait bien raison de ne nous en pas parler.

    Idem pour la suite. C’est toujours Françoise Petitdemange qui nous l’indique (page 50) :
    "Tandis que, dans le domaine militaire, les Anglo-Saxons lâchent leurs bases, morceau après morceau, dans le domaine industriel, tout s’accélère. Le 5 mars, le gouvernement libyen annonce la dissolution de la LIPETCO (Libyan Petroleum Company), qui a été créée en avril 1968, et son renplacement par la LINOCO (Libyan National Oil Corporation). Le 17 mars, M. Ezzedin Mabrouk, ministre du Pétrole et des Ressources minières, demande aux compagnies étrangères, en vue d’une réappropriation des richesses du sous-sol libyen par les travailleurs eux-mêmes, de lui soumettre, dans un avenir proche, un programme de libyanisation du personnel. Deux jours plus tard, le 19, la presse libyenne annonce que la Yougoslavie est prête à apporter son soutien à la Libye pour la construction d’une flotte libyenne de pétroliers."

    Oh, que c’est vilain !

    Et déjà tout ce qu’il y a de plus "terroriste"…

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.