Comme nous l'avons vu précédemment, du strict point de vue de ce qui caractérise l'économie capitaliste, l'utilisation de la notion de revenu ne se justifie en aucun cas . Elle ne peut servir que de couverture idéologique à ce qui s'inscrit directement en faux contre elle : l'exploitation. Celle-ci dit justement que tout l'enjeu de la mise en oeuvre du capital consiste dans le fait, pour les uns, d'accaparer la richesse produite par les autres.
Evidemment, hisser la notion de revenu au plan national ne changera rien à son caractère économiquement fantaisiste.
Mais reprenons ce que Thomas Piketty nous dit de la bonne façon d'isoler cet élément principal de son système d'analyse. Après avoir soustrait, du produit intérieur brut, la dépréciation du capital fixe (qui ne peut pas entrer dans un revenu) - ce qui nous fait passer au produit intérieur net -, il reste à tenir compte des relations d'échange de capitaux avec le reste du monde. Nous aurons alors, nous dit-il, le revenu national.
Pour réaliser cette seconde et dernière opération...
"[...] il faut ajouter les revenus nets reçus de l'étranger (ou bien retrancher les revenus nets versés à l'étranger, suivant la situation du pays). Par exemple, un pays dont l'ensemble des entreprises et du capital est possédé par des propriétaires étrangers peut fort bien avoir une production intérieure très élevée mais un revenu national nettement plus faible, une fois déduits les profits et loyers partant à l'étranger." (page 79)
C'est que les systèmes d'exploitation se distinguent d'un pays à l'autre, et que la différence se trouve stabilisée par les rapports de force spécifiques qui marquent les relations internationales dans le cadre plus général de l'impérialisme économique et militaire. Ainsi, après un conflit (mondial, parfois), les traités portent-ils la marque de ce que le vainqueur a pu imposer au vaincu pour longtemps (jusqu'à la prochaine mise à jour donc). Rien qu'en passant, nous remarquons que, dans cette citation comme dans la suivante, le mot production arrive enfin sous la plume de notre professeur d'économie... Et c'est justement pour nous dire que cette chère production est, ici de même que partout en système capitaliste, l'objet d'une captation par autrui.
Ainsi, Thomas Piketty sait-il évidemment comme tout un chacun que le gâteau qui l'intéresse tant est bien le fruit d'un travail productif qui ne bénéficie que très marginalement à celles et ceux qui l'effectuent au prix d'une part essentielle de leur temps de vie :
"Il n'est pas anodin pour un pays de travailler pour un autre pays, et de lui verser durablement une part significative de sa production sous forme de dividendes ou de loyers. Pour qu'un tel système puisse tenir - jusqu'à un certain point -, il doit souvent s'accompagner de relations de domination politique, comme ce fut le cas à l'époque du colonialisme, quand l'Europe possédait de fait une bonne part du reste du monde."
Tout en citant ses sources,Vladimir Ilitch Lénine ne disait pas autre chose dans son très célèbre "Impérialisme, stade suprême du captalisme" (1916) :
"L'univers est divisé en une poignée d'Etats-usuriers et une immense majorité d'Etats débiteurs. « Parmi les placements de capitaux à l'étranger, écrit Schulze-Gaevernitz, viennent au premier rang les investissements dans les pays politiquement dépendants ou alliés : l'Angleterre prête à l'Egypte, au Japon, à la Chine, à l''Amérique du Sud. En cas de besoin, sa marine de guerre joue le rôle d'huissier. La puissance politique de l'Angleterre la préserve de la révolte de ses débiteurs. »"
Et garantit son... revenu national.
Pour ne pas rester dans le vague, je donne ce lien : http://marxengelslenine.canalblog.com