L’Accord du 7 août 1940 bafoué d'avance sur un point essentiel
Afin de rendre opérationnelle sa reconnaissance comme chef de tous les Français libres, Churchill offre à De Gaulle d’acquiescer à l’Accord du 7 août qui organise les liens qui devront s’établir entre les troupes des deux nationalités. Il y est spécifié que :
"Le Général De Gaulle, qui a le commandement suprême de laforce française, déclare, par les présentes, qu’il accepte les directives générales du Commandement britannique." (Mémoires, pages 280-281)
Et puis, il apparaît surtout ceci dès le 2ème alinéa du premier article :
"Cette force ne pourra jamais porter les armes contre la France." (Mémoires, page 279)
Ce qui était excessivement fâcheux pour De Gaulle, qui, comme la suite le montrera, n’avait d’autre souci que de se créer un Empire colonial sur le dos du plus faible des adversaires possibles dans ce domaine-là : Vichy.
Il faut également rappeler qu’à ce moment-là, pas plus qu’à aucun autre durant toute la seconde guerre mondiale, la France de Vichy n’est en guerre avec la Grande-Bretagne. Celle-ci la considère comme un allié malheureux qu’il ne faut surtout pas retourner contre soi, mais dont il faut également se soucier que, tant qu’il restera dominé, il ne rendra pas la tâche trop facile à l’ennemi commun d’hier et peut-être de demain : l’Allemand, ou même l’Italien.
Ensuite, en offrant à De Gaulle toute une série de services qui devraient lui permettre de prendre sa place dans la guerre contre les puissances de l’Axe, le gouvernement britannique doit garder à l’esprit cette possibilité que la France de Vichy - sous l’impulsion, par exemple, de l’ancien as des as de la guerre de 1914-1918, le colonel aviateur René Fonck – soit amenée par Hitler à entrer effectivement en guerre avec la Grande-Bretagne : si elle en reste à la position selon laquelle De Gaulle ne peut pas faire la guerre à la France de Vichy, elle se coupe un bras.
D’où la lettre secrète – secrète, parce qu’il serait très mauvais d’agiter ce chiffon rouge sous le nez de Pétain et de son entourage, et d’alerter un peu vite les soldats ralliés à la France Libre sur une hypothèse qui paraît tout de même assez peu réalisable – que Winston Churchill adresse à Charles De Gaulle ce même 7 août 1940 :
"L’article stipulant que vos troupes n’auront pas à « porter les armes contre la France » doit être interprété comme visant une France libre de choisir sa route et ne subissant pas la contrainte directe ou indirecte de l’Allemagne. Ainsi, une déclaration de guerre par le Gouvernement de Vichy contre le Royaume-Uni ne constituerait pas une déclaration de guerre par la France, et il est possible qu’il y ait d’autres cas du même genre."
Voyons ce que le très honnête De Gaulle va bien vouloir retenir dans ce texte qui le dérange terriblement, lui qui veut qu’on se rallie à sa personne en pleine méconnaissance de cause, puisque nous sommes ici dans le secret des dieux, il convient de le rappeler :
"D’autre part, vous faites ressortir que le fait que mes troupes n’auront pas à « porter les armes contre la France » doit être interprété comme visant « une France libre de choisir sa route et ne subissant pas la contrainte directe ou indirecte de l’Allemagne. » Je prends acte, Monsieur le Premier Ministre, que telle est l’interprétation que le Gouvernement britannique attribue aux expressions relatées ci-dessus. J’espère que les circonstances permettront un jour au Gouvernement britannique de considérer ces questions avec moins de réserve."
Comme on le voit, De Gaulle a subrepticement glissé sur ce qui motivait la formule utilisée par Churchill : l'éventualité d'une guerre entre Vichy et l'Angleterre qui ferait que la France de Vichy ne serait plus la France. Il est disposé, lui, à saisir au plus vite toutes les occasions d'enjamber cette restriction qui ne lui convient pas du tout.
Effectivement, pour De Gaulle, tirer sur des Français : la belle affaire !... Pourvu, tout simplement qu’ils ne soient pas d’accord avec lui qui, à lui tout seul, est la France de toujours, la France éternelle.
Ceci étant écrit, ne négligeons pas le fait qu’il essaie une nouvelle fois de nous rouler dans la farine !...
L’interprétation, puisque De Gaulle parle d’interprétation, n’est évidemment pas dans la formule de départ : "une France libre, etc…", mais dans celle qui, justement, la rend explicite, en lui fournissant un exemple d’application : "une déclaration de guerre, etc."
Quoi qu’il en soit, les premiers coups de feu tirés par les hommes de De Gaulle, et la plupart de ceux qui vont suivre, concerneront… des Français, et certainement pas, ni des nazis, ni des fascistes italiens. Mieux, quand De Gaulle se découvrira insuffisamment armé, il fera faire ce très sale boulot par… les Britanniques eux-mêmes.