Obus chimiques, armes interdites. Pourquoi ? Quelqu’un a pris la peine de réfléchir en quoi ces armes focalisent dirigeants et opinions publiques, allant même jusqu’à considérer qu’elles constituent une ligne rouge qui, aussitôt franchie, exige une mobilisation et intervention internationales, une sanction, une « punition » selon le président français ? En quoi ces armes sont différentes de celles qui tombent du ciel, rasant tout sur leur passage ? On pourrait penser que, les armes bactériologiques, chimiques, laissant en apparence le corps intact, procurent un effroi, et soulignent l’incapacité (du moins dans un premier temps) d’y faire face, sauver le blessé. On pourrait penser que le souvenir de la première guerre mondiale et du gaz sarin, celui de la deuxième et des camps d’extermination nazis identifient l’immatériel, le non visible comme désormais inacceptable. Cependant, le journal le Monde s’insurge : pas de plaies, pas de blessures, juste des brûlures, en indiquant que les bombes incendiaires sont aussi interdites et pourtant utilisées par le régime syrien. Le napalm n’est pas une arme de la seconde guerre mondiale où il n’apparaît qu’à la fin et surtout sous la forme du lance-flammes. Il symbolise, par contre, l’arme totale utilisée en Grèce contre les maquisards communistes, il est largement utilisé en Corée, et connaît son apothéose au Vietnam. Il sera interdit en 1980, ou plutôt « son utilisation contre des populations civiles ». Ce qui n’a pas empêché son utilisation aux guerres yougoslaves, et en Iraq par les américains (qui le déguisèrent sous le nom de bombe incendiaire 77).
La plaie béante, le corps déchiqueté, oui, le corps brûlé, non. Où va donc se nicher l’inacceptable ? Et de nouveau, pourquoi ?
L’Occident se raconte des bobards qui ont pour nom frappes chirurgicales, bombes intelligentes et propres auxquelles il y ajoute (au cas où) la bombe nucléaire tactique ou, vite « oubliée », la bombe à neutrons qui aurait l’avantage de tuer les hommes mais garder les infrastructures intactes. Ainsi, l’Occident voudrait rendre les armes qu’il produit (et vend à tous les belligérants) conformes aux nouveaux dogmes militaires et leurs concepts oxymores (soldat de la paix, guerre juste, proportionnalité des moyens, guerre humanitaire, etc.). Ce qui suffoque sous ces concepts ou y dérape, on lui donne le nom de bavure, de dérapages ou, plus généralement de dommages collatéraux proches du concept juridique « ayant entrainé la mort sans le vouloir ».
Se désirant police universelle, l’Occident, de la sorte, aurait désiré posséder le monopole de la violence, une violence « raisonnée » qui punit toute utilisation d’armes non conformes à ce désir et qu’il nomme en opposition aux siennes bombe sale, attentat terroriste, action aveugle, etc.
Cependant, à la chute de ses ennemis, que ce soit en Iraq, en Côte d’Ivoire ou en Libye - pour ne donner que des exemples actuels -, on découvre dans leurs arsenaux des armes fabriquées en France, aux Etats-Unis, en Suède, au Brésil, en Grande Bretagne, en Russie, en Chine, etc. On dit alors, à la manière du lobby des fabricants américains, que ce n’est pas l’arme qui tue mais la main qui la tient. Sous entendu : nous sommes rationnels et quiconque le conteste est irrationnel. Puis on va se coucher, tranquilles…
 
                 
            