Comment une société peut-elle encore penser, se penser et avancer quand l’ensemble de ce qui y est sensé produire de l’entendement se complaît dans la caricature, s’enrobe d’un charabia répulsif pour dire la complexité ? Pour les gouvernants endormir est le maître mot. En simplifiant à l’extrême, en fixant le doigt censé montrer la lune, en s’attaquant avec moult détails prouvant leur authenticité à des moulins à vent imaginaires, en tuant, jour après jour, l’eumétrie, la mesure, le lien - fondateur et ciment de la société réelle - au profit d’une autre, imaginaire, mythique où les citoyens s’entredéchirent, se maudissent, s’excluent les uns les autres. Cela en connaissance de cause, volontairement, car personne ne peut croire que les énarques qui nous gouvernent, à quelques exceptions près, sont des ignares, des analphabètes, des crétins patentés. A la limite, on aurait espéré qu’ils le soient, que nos élites n’y connaissent rien de leurs classiques, que pour eux l’Hubris n’est qu’un mot barbare non identifié, que Voltaire était un vieillard aigri et Prométhée un artificier maladroit. On aurait espéré que le président n’ait jamais entendu Sophocle dire aux athéniens « lorsque nous croyons avoir raison, nous pouvons aussi avoir tort ». Hélas, ils connaissent leurs classiques. Mais ils préfèrent faire semblant de les oublier, les garder pour eux, tout comme leurs fortunes et leur patrimoine. En y jetant dans l’arène pour passionner les foules des certitudes barbares et des poncifs explosifs afin de pouvoir vivre entre eux en paix. L’insouciance et le manque d’anticipation ayant définitivement remplacé la démesure, cette maladie de la techné qui a si profondément marqué le XXe siècles et ses horreurs. Désormais, nos banquiers soixante-huitards jouissent de l’instant et de leurs milliards, lançant de temps en temps, comme les précieuses ridicules, leur oups, on s’est trompé, signe annonciateur d’une nouvelle ponction chez les citoyens contribuables par le biais de nos dirigeants - et ce, quelle que soit leur couleur politique -. Car ces derniers, loin de tout esprit volontariste et ne croyant plus à rien, ne font que gérer l’instant, quitte à béatement ouvrir, chaque jour un peu plus, la boite de Pandore. Jadis on gouvernait selon des convictions (plus ou moins) partagées par une portion de l’électorat un moment (plus ou moins) majoritaire. Aujourd’hui on mène une politique apolitique, dite (c’est le mot à la mode) « sérieuse » et qui consiste à tout faire pour continuer à emprunter aux moindres frais (fait-on semblant de croire). En conséquence, on ne gouverne plus, on gère. Ils nous gèrent donc, comme des parents prisonniers de produits psychotropes (en substance argent et pouvoir) tout en espérant qu’interdire, sanctionner et circonscrire des enfants turbulents (les citoyens en occurrence) leur laissera pleinement le temps de voguer dans le nirvana de leurs illusions de toute puissance. Ils titubent, essayant désespérément d’apparaître sérieux et irréprochables, pris inlassablement la main dans le sac ou dans l’erreur. Cependant il faut continuer dans cette erreur, sinon s’en est fini de leur sérieux et des taux bas pour emprunter. Mais à quoi ca sert d’emprunter pourraient dire le gilets jaunes, puisque, malgré les chômeurs, les boutiques qui ferment, les exportations qui s’effondrent, les écoles et les hôpitaux qui disparaissent la dette augmente ? . Ca sert à pouvoir encore et toujours emprunter malgré l’augmentation de la dette, preuve incontestable de notre sérieux répond le gouvernement est ses journalistes attitrés. Et puis, si ça foire on pourra toujours dire, une fois n’est pas coutume, oups, on s’est trompé…
Billet de blog 1 déc. 2018
Gilets jaunes ou la Cassandre polymorphe
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