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Billet de blog 3 septembre 2013

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Syrie : en avoir ou pas

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Par un rapide glissement justificatif, les raisons d’une frappe sur Damas ont changé. D’une attaque chimique qu’il faut sanctionner, nous sommes passés, selon les dires du président américain, à une action obligatoire, qu’il faut mener si l’on veut que notre parole soit prise au sérieux. L’argumentaire inclue une menace supérieure et plus consensuelle (du moins pour l’opinion américaine) impliquant l’Iran : Si nous ne faisons rien avec la Syrie,  nous ne pourront rien faire non plus si Téhéran utilise, à plus grande échelle, les mêmes armes. C’est exactement cette logique qui a mené de l’attentat de Sarajevo à la première guerre mondiale. La logique des alliances (pourtant mises en place pour éviter la guerre) et la mobilisation généralisée dans tous les pays européens avaient fini par rendre le conflit obligatoire.

Le premier secrétaire du Parti Socialiste se connaît sans doute en manœuvres internes au parti, en circonvolutions, alliances et autres rapports de force nécessaires pour évoluer en son sein. Cependant, la géopolitique et ses dynamiques internes c’est autre chose. Se référer à l’esprit Munichois c’est parler de corde à la maison du pendu. Car  la raison principale,  d’où découlent la complexité et les impasses de la situation actuelle en Syrie c’est justement l’attentisme munichois qui a prévalu depuis que la société civile  a contesté le pouvoir de Damas. Tétanisés, les pays occidentaux consommaient les images d’une révolte populaire non armée écrasée par des moyens militaires puissants.  Les chancelleries occidentales ont utilisé comme un cache-sexe futile leur étonnement d’avoir d’emblée sous-estimé les capacités de ce régime qu’elles croyaient chancelant et surestimé celles de la société civile révoltée. La paralysie occidentale a transformé un conflit issu du « printemps arabe » en un point de fixation fédérant toutes les contradictions et toutes les impasses du monde arabe mais aussi des fautes, des ambigüités et des contradictions de l’occident face à cette révolte. En Syrie, la France paie ses compromissions tunisiennes, son activisme aveugle libyen, son mimétisme naïf égyptien et ses accommodements paralysants mais intéressés en Yémen et aux autres pays du Golfe.

Aujourd’hui, paradoxalement, ceux qui s’opposent aux frappes en Syrie fédèrent deux positions diamétralement opposées : ceux qui considèrent le régime syrien légitime et ceux qui veulent en finir définitivement et radicalement avec Assad.  C’est cette alliance oxymore qui a fait perdre la bataille parlementaire au premier ministre britannique ou qui paralyse l’exécutif américain. Frapper, même symboliquement, en annonçant d’emblée qu’il s’agit d’une punition qui ne vise pas la chute du régime mais notre propre légitimité en tant que référence morale universelle n’est pas tenable. Si l’on cherche où se niche l’esprit munichois, c’est de ce côté qu’il faut chercher.

Ménager la chèvre et le chou n’a jamais constitué une politique. L’Occident peut inlassablement partir à la chasse aux radicaux fondamentalistes, quel que soit leur nom ou le nom qu’on leur donne.  Tant qu’on ne s’attaque pas à leur matrice, le sous continent arabique, ces derniers seront toujours présents pour souligner nos propres contradictions, au Sahara, au Pakistan, en Syrie, en Egypte ou ailleurs. Ils déformeront tout conflit, donnant ainsi à l’Occident des raisons fausses pour agir ou ne rien faire.

Le constat de complexité n’est pas en soi un obstacle à l’action. Mais il faut l’assumer. Il faut surtout digérer que l’Occident n’est pas un simple témoin. Il est un acteur majeur : ce qu’il fait ou ne fait pas, son activisme ou son attentisme influent radicalement sur une situation et la font muter.  Les Etats-Unis et ses alliés occidentaux doivent aussi assumer  que cette complexité inclue d’autres acteurs et que ces derniers voient le monde autrement. La Russie et la Chine, mais aussi le Brésil, la Turquie ou l’Inde ne doivent pas obligatoirement voir le monde avec l’œil déformant de notre regard, ni succomber à nos sirènes ou nos pythies. Ils en ont d’autres, pas forcément pires que les nôtres.

On dit souvent que la première victime de la guerre c’est la vérité. Mais cela c’était avant, quand les conflits étaient l’aboutissement d’une politique et non pas la preuve de ses impasses. Désormais, la vérité - ou le regard lucide -, sont les victimes d’une politique  incohérente, inconstante et amateuriste qui se refuse de voir le monde tel qu’il est, qui agit d’abord et, éventuellement, réfléchît après. Sûre qu’elle semble être de pouvoir convaincre, via le monopole confusionnel des médias, de tout et de son contraire. 

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