Un membre éminent de l’UMP constatait hier « qu’en France, ce qui nous fait défaut c’est la génération de la guerre ». En d’autres termes, des hommes politiques qui savent gouverner et anticiper et qui, selon le même, ne confondent pas slogans publicitaires et action politique. Sur ce constat désastreux, rien à redire. Mais, même si la France est engluée en ce moment dans un énième scandale et que les fanfaronnades insensées de Copé fixent l’attention, il faudrait constater que l’Europe toute entière, prise entre l’enclume de la logique financière et l’autocratie des institutions européennes, ne produit plus de la politique. Et que ceux qui y font leur gagne-pain ne sont pas différents des minus politicus français.
On ne part pas à la conquête du monde quand la révolte gronde intra muros explique Thucydide, on ne cultive pas les craintes d’une hégémonie de soi chez l’adversaire. Ces deux règles n’ont pas été suivies par Athènes, et Sparte l’a emporté durant la guerre de trente ans qui, soit dit en passant, a été la première guerre mondiale du monde alors connu. Je parle bien entendu de l’Ukraine. Force est de constater que dans ce face – face Poutine agit - ou du moins s’inspire – de Wang Fuzhi qui explique que tout processus doit s’appuyer sur des forces préétablies par l’Histoire longue, le hua, tandis que nos dirigeants européens suivent à la lettre Clausewitz qui affirme : même si vous constatez que votre plan n’est pas bon il faudra vous en tenir coûte que coûte, à force d’obstination il produira des effets. Encore faut-il que ce plan prenne en compte tous les aspects, des plus complexes (géopolitique) aux plus simples (moyens en sa disposition) et l’environnement global. Il ne suffit pas d’affirmer, - comme le fait sans vergogne - le président Obama, que la Russie ne suit pas le sens de l’Histoire ; faut-il encore vérifier si ce sens est généralement admis, et si une autre lecture de l’Histoire n’est pas plus cohérente. Est-ce que - exemple trivial - les financiers de la City approuvent les hypothétiques sanctions économiques ? Est-ce que les USA contrôlent les médias hors de leur sphère d’influence ? Est-ce que l’Iran, la Chine ou la Turquie voient (et consomment) la même information sur la crise ukrainienne que la sienne ? Est-ce que les gouvernements européens et le sien accepteraient des ministres néo-nazis et autres hurluberlus fanatiques ? J’en doute, quoi que…
Quoi qu’il en soit, le discours occidental, après l’Iraq, après l’Afghanistan, après surtout le Lybie, n’est plus hégémonique. Cet occident financiarisé et gangrené par des politiques chaotiques dénudées de sens, pète désormais plus haut que son cul. Il « espère » la croissance en Chine, il « s’inquiète » de la souveraineté ukrainienne, il « espère » que la Syrie ou la Lybie ne sombreront pas dans le chaos milicien fondamentaliste, il déguerpit de l’Afghânistân mais garde Guantanamo. Il regarde tétanisé la montée des droites extrêmes et permet des fictions d’Etat de droit en son propre sein, en Grèce ou en Hongrie. Il érige des murs contre les réfugiés d’une misère qu’il perpétue, il s’accommode, en détournant hypocritement le regard, de la transformation de la méditerranée en cimetière de miséreux. Mais tout cela, apparemment, va dans le sens de l’histoire. Après avoir cautionné le scandale des jeux olympiques de Sotchi, voilà que l’Amérique s’abstient des jeux para olympiques pour « protester » contre la politique agressive de la Russie en Ukraine.
Il est certain que Poutine perdra son sommeil.