Samedi, le jour pointe discrètement. Devant ma page blanche je me dis qu’une autre risque de s’ouvrir d’ici demain soir, et qu’une somme de solitudes sont aujourd’hui devant leur feuille à la regarder, à s’interroger, à chercher les mots - le plus justes possible -, pour que Lundi, une intelligence enfin collective les soustrait de leur coquille, la prison forcée de leur train-train subi et monotone pour les transformer en citoyens actifs. Pour une partie non négligeable de citoyens, le vote à venir prend l’allure d’une catharsis. On lui a même donné un nom, l’anti - Sarkozysme.
Il s’agit d’ostraciser les offenses multiples faites à la Cité, à ses citoyens et à l’entendement.
Il s’agit de laver une faute d’appréciation qui a ouvert les portes de la Cité à la personnification même de l’hubris.
Il s’agit de corriger un geste qui, sourd aux Cassandres, avait préféré la facilité d’un mirage annonciateur de bien être et de solutions juvéniles en taisant le prix à payer.
Il s’agit de sanctionner la fascination pour un hédonisme conquérant auquel, de manière absurde, les citoyens s’identifièrent.
Cet ostracisme est sain. Il est justifié ; Il est légitime. Mais il ne suffit pas. Le vertige de la page blanche devant un futur communément partagé implique que ce vote soit l’antithèse de ce qui est advenu pendant cinq ans. Il implique la patience, la mesure, la connaissance et l’intériorisation du prix à payer : celui qui incombe à un citoyen actif, « utile » pour paraphraser Aristote, qui de délègue rien et surtout pas sa propre vigilance. Il est toujours difficile d’assumer l’âge de raison, de ne plus s’abandonner aux délices de l’enfance, à saisir une liberté plaine et inconditionnelle et tout ce qu’elle implique. Si nous voulons que ce vote sanction ait un sens, si l’on veut qu’il efface, non plus au simple niveau symbolique mais à celui de tous les jours l’hubris que nous avons fait à la Cité en déléguant les outils de notre bonheur et notre émancipation, il faut assumer. Dès lundi, le président de gauche n’aura plus des sujets mais des citoyens. Pour qu’il y ait changement, il faut qu’il opère en chacun de nous. Pour qu’il y ait apaisement, il faut qu’on l’impose à chacun de nous. Pour qu’il y ait de la justice, il faut qu’on se juge soi-même. Seulement alors la catharsis opérera de manière pleine et sereine et que nous pourrons enfin nous ajouter les uns aux autres au lieu de nous soustraire. Voter à gauche, certes, et sans hésitation. Mais rester acteur de sa vie et de son sort dès le lendemain.
 
                 
            