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Billet de blog 6 févr. 2012

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La Civilisation selon le Vizir

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pas plus loin que hier, le Vizir s’est mis à penser à haute voix sur le sens de l’Histoire.

Philosophe dans ces heures perdues (pas pour tout le monde), cette il en vient à comparer la civilisation des Inuits, prompts à prêter leur femme (depuis qu’ils ont vu un acteur de Hollywood déguisé en esquimau en faire de même sur une cassette pirate), à celle, plus confidentielle, des Piaroas vénézuéliens, qui ne les partagent pas mais qui consomment sans modération des écorces psychotropes. Toutes les civilisations ne se valent pas conclut le Vizir dans cet essai anthropologique, indiquant par là que chaque culture, chaque civilisation interpelle les autres quant à leurs interdits.

Le Vizir se faisant moraliste emploie des apophtegmes osés. Il dit par exemple, sans doute en se référant au Marché qui nous cause tant de peines en ce moment qu’il est normal de condamner les civilisations  « qui acceptent la tyrannie, la minorité des femmes, la haine sociale ou ethnique ». Phrase ésotérique par excellence, celle-ci nous laisse dans l’interrogation des concordances, chevauchement de concepts abstraits, des subdivisions  humaines ou des attributs (innés ou acquis).  Par ailleurs, selon le Vizir il y a des civilisations qui défendent la liberté, l’égalité et la fraternité, valeurs clamés lors de la révolution française qui, devient (selon le Vizir) une civilisation en soit.  Cette liberté épistémologique qui entrelace Histoire et Civilisation, Ethique et Culture en dit long sur la capacité du Vizir de jongler avec des concepts. Du coup on saisit mieux le raccourci « culture des Talibans », donnés en contre-exemple : les étudiants en théologie utilisant la culture pachtoune comme un socle qu’ils  transcendent par leur action révolutionnaire. Le Vizir ne s’attarde pas sur l’interprétation des termes liberté, égalité, fraternité, ne voulant pas prêter le flanc à un argumentaire qui pourrait faire remarquer que plusieurs révoltes, qu’elle soient révolutionnaires ou conservatrices emploient ces termes, parfois même les pratiquent en partie, sans toutefois aboutir à leur épanouissement, bien au contraire. Cela ne doit pas nous inquiéter nous dit le Vizir : la civilisation talibane est tout simplement différente.

Ainsi la pensée du Vizir prend le parti de parler d’un aboutissement et non d’un processus. Il existe selon ses dires des civilisations, comme il existe des amphores dans les musées, que l’on observe et sur lesquelles ont peut émettre un constat tout aussi définitif : elles sont bonnes ou mauvaises. Il suggère d’ailleurs que notre civilisation est la meilleure, celle où il fait bon vivre.  

A tous les savants, ethnologues, philosophes, le Vizir donne une leçon d’humilité. Avec trois phrases, il arrive à mettre en cause tous les acquis, toutes les certitudes et toutes les définitions du concept même de civilisation, en le faisant dépendre des notions (éthiques, religieuses et morales) du bien et du mal.   

Le président, impressionné, mais toutefois inquiet  d’une telle  flamboyance vient de lui envoyer une lettre qui commence ainsi :

« Souviens-toi toujours du néant d'où je t'ai fait sortir, lorsque tu étais le dernier de mes esclaves, pour te mettre en cette place et te confier les délices de mon cœur : tiens-toi dans un profond abaissement auprès de celles qui partagent mon amour ; mais fais-leur en même temps sentir leur extrême dépendance. Procure-leur tous les plaisirs qui peuvent être innocents; trompe leurs inquiétudes ; (…) Parle-leur quelquefois de moi»…

Certains disent que cette lettre n’est qu’un vulgaire coupé-collé d’un texte de Montesquieu, mais je n’y crois mot. C’est purement invraisemblable, tant la lettre s’harmonise à merveille aussi bien avec la personnalité du président qu’à celle de son Vizir plein de ressources. 

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