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Billet de blog 7 mai 2017

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pas la peine d’attendre le deuxième tour pour constater qu’une majorité de français a succombé à l’attraction de la simplicité, tourné le dos au verbe, sacrifié son intelligence au profit d’une quiétude malsaine, a voté en tournant le dos à l’entendement.  Ces français on voté pour les deux candidats, choisissant soit la vulgaire simplicité  d’un message tournant le dos à la complexité de notre monde, soit en succombant (comme moi-même) à la théorie, tout aussi simpliste du barrage, oubliant les paroles de Hanna Arendt : « politiquement, la faiblesse de l’argument du moindre mal a toujours été que ceux qui  choisissent le moindre mal oublient très vite qu’ils ont choisi le mal ».

Mais peut-il en être autrement ?  

On dit souvent que le FN se nourrit des erreurs, des dérives et des tergiversations des partis de pouvoir, qu’il est l’enfant de la mondialisation et des peurs qu’elle suscite,  qu’il se renforce par l’inconséquence et de l’inefficacité des gouvernements, le cynisme technocratique de l’U.E, et, plus généralement, du doute qui s’installe au sein de nos sociétés, d’un sentiment de déclin.  Toutes ces raisons sont bien là, mais où est la raison ?

Depuis l’antiquité, celle-ci est le résultat dialectique entre des questions que l’on pose et des réponses partielles, produit de leur temps et de son interprétation, de leur environnement éthique  et moral,  de leur niveau technique et de la volonté adjacente de leur dépassement. 

L’époque que nous vivons souffre de na pas avoir de réponses, et par conséquent de supprimer les questions.  L’humanité a connu des époques similaires, où, généralement, elle a remplacé les questions par des dogmes, supprimant au passage ceux qui continuaient à en poser. Pour ce faire, les tenants du pouvoir ont affirmé la prépondérance du dogme sur le savoir, l’interdiction du doute, la destruction du différent, du divergent, affirmant que la globalisation de ce en quoi ils croient amènera un monde meilleur, paradisiaque, ici ou en l’au-delà,  exigeant le sacrifice du maintenant au profit du futur. Car le questionnement, la science, l’empirisme avaient entre temps façonné un monde réel relativement agréable. Pas pour tous, pas même pour la majorité mais pour tous ceux qui avaient goûté aux fruits de la connaissance, des libertés, des loisirs, de l’altérité.  

Mais tout cela c’était avant. On peut certes comparer les qualificatifs avec lesquels on empêche toute pensée questionnant : hier celles de l’alothrisque, de mécréant, d’hérétique, de libre – penseur. Aujourd’hui ceux de populiste, le gauchiste, d’irresponsable, d’irréaliste…  La différence étant que par le passé les ivres de dieu ou d’un système totalisant y croyaient avec ferveur et proposaient en échange un monde certes fermé mais cohérent et conquérant. La quête holistique d’absolu avait son attrait,  et proposait un futur paisible et apaisant. Que proposent aujourd’hui les nouveaux clercs en échange de ne plus penser ? Au mieux le concept de libre échange, au pire d’éviter le pire, dans une spirale pragmatique que l’on nomme la « bonne voie », sans jamais la définir.

En paupérisant l’espace intellectuel, en renversant le sens même des mots tels ceux de responsabilité,  cohérence, projet,  futur, équité, justice, vérité, etc., en réduisant drastiquement le vocabulaire conceptuel, poétique, philosophique, ils limitent aussi drastiquement l’espace des désirs, de l’imagination, du sens des choses, diffusant du désespoir. D’un isolement créateur de petits projets, de petits désirs, de minuscules perspectives.  Car de projet, il n'y en a pas, si ce n’est de perpétuer un monde mesquin, limité, et surtout endormi ne trouvant du sens que dans les rêves solitaires aussitôt oubliés.

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